SFN:
Comment avez-vous découvert le projet, et qu'est-ce
qui vous a donné envie de le faire ?
JMS:
En fait, je ne l'ai pas découvert. Ils m'ont un peu
traqué. Ils sont venus me voir plusieurs fois, et je
ne voyais pas vraiment ce que je pourrais faire avec
ce projet qu'il le rendrait intéressant jusqu'à ce qu'ils
me disent trois mots très importants pour moi, qui sont
: ''liberté créative totale''. Alors je me suis assis
et j'ai dit: ce qui pourrait rendre ceci intéressant
serait de faire ce qui n'a pas été fait avant, c'est
à dire une série post-apocalyptique sur l'espoir. Et
ce genre de série, c'est comme concevoir un chat submersible.
Les concepts ne vont pas si bien ensemble. Mais j'ai
pensé à la Peste Noire, qui a frappé à l'époque Médiévale.
Ils pensaient que c'était la fin du monde. Les gens
mourraient partout. Cela allait être la fin. Mais, en
vérité, ce qui a suivi la Peste Noire fut la Renaissance.
En fait, certains historiens ont dit que s'ils n'y avaient
pas eu la Peste, qui a en quelque sorte fait table du
rase du passé, il n'y aurait pas eu la Renaissance non
plus. Donc j'ai voulu faire une série où cet événement
serait une sorte de catalyseur pour un nouveau début
plutôt qu'une fin.
Quand
vous avez imaginé ce monde, avez-vous utilisé le comic
book d'origine comme un point de départ ?
C'était
juste un point de saut parce que j'avais besoin d'ajuster
le concept. Donc, j'ai surtout repris le concept des
deux gars, l'environnement post-apocalyptique, même
si celui du comic était une guerre raciale. Ici, c'est
quelque chose d'autre. Et donc ils se sont retrouvés
dans cet environnement à voir ce qu'il y avait là. Et
le reste est sorti de ma tête.
Avec Babylon 5, vous aviez une fin en tête. C'était
un roman. Approchez-vous ce projet d'une manière similaire,
ou la fin est-elle ouverte ?
J'ai
effectivement un arc global pour la série qui est beaucoup
introduit dans la première saison. On commence avec
des choses plus centrées sur les personnages, et l'histoire
se construit en parallèle de la recherche de son père
par Jeremiah, et du mystère du secteur Valhalla. Et
il y a quelque chose qui se passe avec l'armée, une
sorte de conspiration, qui se dévoile lentement. Donc
il y a bien cet aspect de construction d'une histoire
plus large, mais cela n'est pas aussi rigoureux que
pour Babylon 5.
Comment
avez-vous envisagé le travail sur ce projet avec tous
les autres projets que vous menez en parallèle ?
C'est
mon engagement premier et prioritaire parce que cela
prend la majorité de mon temps. Quand vous faite une
série comme celle-ci, vous devez réellement en faire
votre priorité parce que tout le reste n'a pas 27 million
de dollars qui se cache derrière et vous dise de continuer
à avancer. La télévision raconte des histoires a 48
images par secondes et vous devez toujours respecter
cela. Donc c'est ma première priorité. Tout le reste
vient après.
Pouvez-vous
décrire qui est Jeremiah, et ce que Luke Perry apporte
au personnage ?
Jeremiah
est un solitaire. Il est obsédé par l'idée de découvrir
ce qui est arrivé à son père, disparu quelque part dans
le Secteur Valhalla. Il a promis à son père qu'il prendrait
soin de son frère. Mais, donc un moment de faiblesse
et d'ennui, il a tourné le dos au mauvais instant et
son jeune frère a été tué. Donc il porte ces deux lourds
fardeaux et il essaie, comme il le dit à un moment,
de trouver la fin de l'histoire, ce qui est arrivé à
son père. Luke apporte cet aspect hanté que le personnage
doit avoir
Et à propos de Kurdy?
JMS:
Là où Jeremiah est en quelque sorte pris dans l'histoire,
Kurdy est plus pris dans le monde en lui-même. C'est
celui des deux qui a le plus les pieds sur terre, à
de nombreux aspects. Il est plus réaliste. Il essaie
juste d'avancer jour après jour. Et il est plus apte
à pleurer et rire également. Dans cette optique il est
l'ancre de la série.
La
série voyage beaucoup. Comment les choses se sont passées
pour vous d'un point de vue logistique ?
Cela a été extrêmement difficile. C'est la plus grosse
production sur laquelle j'ai jamais été impliqué, aussi
bien du point de vue du budget que des tournages en
extérieurs. La moyenne est de trois ou quatre jours
en extérieur sur sept. On tourne sous la neige, la pluie,
la boue, des conditions atroces. Nous sommes la machine.
On ne s'arrête pas. C'est une énorme, énorme, laissez-moi
le dire *énorme* production.
Êtes-vous à la source de tous les aspects techniques
et du design de la série ? Est-ce que tout le monde
s'en remet à vous ?
Oui, ils viennent à moi. Parfois, ils vont à Sam Egan
(l'autre producteur exécutif) pour ses épisodes. Mais
d'une manière générale, oui, c'est moi. Je tend à assez
centraliser les choses, donc j'aime tout voir, tout
toucher, m'assurer que tout ressemble à ce que cela
doit, que cela fonctionne, parce que nous essayions
de créer un monde très réaliste. Nous ne prenons pas
beaucoup de libertés. Notre point de vue est de considérer
ce qui se passerait dans le monde réel si de tels événements
se produisaient, et quelles seraient les conséquences
15 ans plus tard. Donc toutes les extrapolations doivent
être raisonnablement avérées. Donc oui, je suis impliqué
dans chaque aspect. La seule chose à laquelle j'essaie
de ne pas me rendre, ce sont les réunions de budget,
parce que je tend à m'y endormir.
Pouvez-vous nous décrire ce monde et ce que Jeremiah
rencontre dans ses voyages ?
Et bien, basiquement, c'est notre monde actuel plus
quinze ans d'abus et de négligence. Vous avez ces enfants
qui ont grandit sauvagement, et maintenant ils atteignent
le point où ils vont soit continuer le déclin, et à
vivre sur les cendres du vieux monde avec les ressources
qu'ils peuvent en rester, ou bien où ils vont commencer
à reconstruire notre société. Et la question devient
alors de savoir qui va déterminer la forme de ce monde.
Il y a des petits regroupements qui se sont éparpillés,
des petites communautés et des petites organisations.
Vous avez tous les aspects de la société ramenés dans
un microcosme et en compétition les uns avec les autres
pour déterminer la forme du futur. Et, bien sûr, il
n'y a aucun sens de ce qui peut se passer au-delà des
mers parce qu'il n'y a plus de communications, plus
de télévision, plus de radio. Donc les gens sont globalement
seuls.
Avez-vous pour projet de mettre en scène des épisodes
?
Non.
J'ai mis en scène une fois auparavant pour Babylon 5,
et je n'avais vraiment aucun désir particulier d'être
réalisateur. Si jamais quelqu'un se désengageait à la
dernière minute, je pourrai prendre sa place, mais ce
n'est pas quelque chose que je souhaite. Ce n'est pas
ma force. Je vois ma vision réalisée en engageant un
réalisateur qui la concrétisera. S'il ne le fait pas,
je le renverrais, ce qui est plus facile. Mais je n'ai
aucun projet de mise en scène actuellement.
Pouvez-vous me dire comment Sam Egan et vous travaillez
ensemble ?
Sam et moi furent présentés par la MGM. Il a travaillé
avec eux sur ''The Outer Limits'' (Au-delà du Réel).
Il a également travaillé sur ''Northern Exposure'' et
d'autres séries. Nous nous sommes bien entendus à notre
première rencontre, et avons décidé de diviser les tâches
d'écriture et de production sur la série. Il mènerait
à bien ses épisodes et j'en ferai de même de mon coté.
Même si j'ai le contrôle au final, je lui laisse la
plus grande liberté parce qu'il a été un showrunner
et j'ai beaucoup de respect et d'admiration pour ses
capacités. Donc, ses scripts arrivent de lui et je les
lis, et une fois que nous sommes d'accord sur le scénario,
et bien ils s'en va de son coté et le fait réaliser.
En général, nous alternons à chaque épisode. Tandis
que je tourne le miens, il prépare le sien. Quand je
prépare, il tourne. C'est une balance agréable.
Comment était-ce d'écrire Amazing Spiderman #36 (centré
sur les attentats du 11 Septembre). Comment est-il né
et quelle a été la réaction ?
Au
début, je ne voulais pas l'écrire parce que je ne savais
pas quels seraient les mots ni comment les aligner.
J'avais plus ou moins décliné jusqu'à un jour où j'étais
sur le plateau, et où j'ai fais une pose dans ma loge.
D'un coup, c'est venu de nulle part. C'était plus de
la transcription que de l'écriture. C'est sorti en une
heure et demi, et je me suis retrouvé à regarder ça
en me demandant d'où est-ce que cela avait bien pu sortir.
Je n'avais jamais écris de cette façon auparavant. C'était
une nouvelle voix pour moi. Donc cela s'est réalisé
et le résultat a été une aide, je pense, parce qu'il
a contribué à mettre les choses en perspective pour
un nombre important de gens d'après les lettres et e-mails
que j'ai vus. Il y a même eu un officier de police qui
m'a écris pour me dire que cela avait été une grande
aide pour lui et des collègues qui avaient été sur les
lieux. Il a dit qu'il y avait des choses qui avaient
été capturées là que personne d'autre ne pouvait connaître
émotionellement. Il a parlé des gens qui venaient les
voir leur demander ce qu'ils pouvaient faire pour aider.
Ils avaient besoin de chaussures parce que les nôtres
n'arrêtent pas de fondre à force de marcher sur les
décombres sous lesquelles le feu brûle. Et ce genre
de chose, ce sentiment se trouvait dans le comic. L'autre
bonne chose est que quelqu'un doit s'adresser aux enfants.
Et les enfants tendent à ne pas regarder Nightline,
ou Dan Rather. Ils ont besoin de choses pour mettre
les événements en perspective eux aussi. C'est en cela
que le comic a apparemment été un succès, donc il valait
la peine d'être fait.
Projetez-vous de continuer à travailler dans les
comics ?
Je fais tout. Je pense que cela vous garde frais. J'écris
des comics. J'écris pour la télé. Je viens de faire
le scénario d'un film, une adaptation de Rising Star,
qui doit entrer en production cette année. Je pense
que toute écriture est une bonne écriture parce que
vous pouvez en retirer des connaissances.
Pouvez-vous
nous dire quelque chose du film Rising Star?
Juste que le film sera fait par Atlas, ceux qui ont
fait City of Angels (La Cité des Anges) ou Twelve Monkeys
(L'Armée des 12 Singes). Ils sont la compagnie de production
qui va faire le film pour la MGM. Ils sont actuellement
à la recherche d'un réalisateur.
La dernière question nous ramène à Jeremiah. Pouvez-vous
parler de Jeremiah sur la question de l'ancrage de la
série dans le monde post 11 septembre?
Et bien, vous devez comprendre ce qui est le pivot de
cette série. La science-fiction est un genre optimiste.
Elle dit que l'on peut effectivement aller de l'avant,
qu'il y aura un demain. Ce ne sera peut-être pas le
plus merveilleux de tous les demains possibles, mais
on va aller de l'avant. Les cafards n'hériteront pas
de la planète. Et il y a des jours où l'on tend à penser
que c'est trop dur, que les choses sont trop dures.
On a enduré le 11 septembre, comment peut-on aller de
l'avant ? Ce que dit Jeremiah, c'est que quoi que ce
soit que vous fassiez subir à la race Humaine, nous
persévérerons. Même si vous anéantissez la moitié de
la planète, ceux qui survivrons iront de l'avant, la
beauté ira de l'avant, l'art ira de l'avant, la noble
lutte pour le sens et ses conséquences iront de l'avant
; il y a quelque chose qu'on ne peut dominer ou soumettre
chez l'Humain qui transcende même la mort. Nous irons
de l'avant. Et à la lumière du 11 septembre, en particulier,
c'est un message très important à communiquer. Une tragédie
ne nous affaibli pas, elle nous rend plus fort.
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