Histoire
B.D.

 

Bâtisseur de monde
Straczynski parle de Jeremiah.
Interview par Ben Strait.
Parution: février 2002 dans la MGM Sci-Fi Newsletter

 

La dernière création de J. Michael Straczynski, Jeremiah, raconte une histoire post-apocalyptique à propos d'espoir...

Le nom de J. Michael Straczynski est devenu synonyme de grande science-fiction. S'il a travaillé en tant que story editor sur des séries telles The Twilight Zone (la Quatrième Dimension, version années 80), et The Real Ghostbusters, c'est son travail en tant que créateur et auteur du premier ''roman pour la télévision'' jamais réalisé, Babylon 5, qui lui a valu des félicitations largement répandues et une légion mondiale de fans. Il a continué à faire vivre Babylon 5 avec 5 téléfilms. Le plus récent d'entre eux, Babylon 5: The Legend of the Rangers - To Live and Die in Starlight, a récemment été diffusé sur Sci-Fi Channel. Il est également devenu une figure populaire des comics, scénarisant des titres tels que Rising Star, Midnight Nation & The Amazing Spider-man.

La dernière intrusion de Straczynski dans la science-fiction se fait avec la nouvelle série de la MGM (Metro Goldwin Meyer) Television, Jeremiah, au générique de laquelle figurent Luke Perry et Malcolm Jamal-Warner. La première diffusion se fera sur Showtime le 3 mars à 20 heures. En tant que showrunner et producteur executif, Straczynski a écrit environ la moitié des épisodes de la saison, et supervise le tournage à Vancouver, au Canada. Straczynski a récemment pris le temps de parler pour la MGM SCI-FI NEWSLETTER depuis le bureau de production de la série à Vancouver.

 

SFN: Comment avez-vous découvert le projet, et qu'est-ce qui vous a donné envie de le faire ?

JMS: En fait, je ne l'ai pas découvert. Ils m'ont un peu traqué. Ils sont venus me voir plusieurs fois, et je ne voyais pas vraiment ce que je pourrais faire avec ce projet qu'il le rendrait intéressant jusqu'à ce qu'ils me disent trois mots très importants pour moi, qui sont : ''liberté créative totale''. Alors je me suis assis et j'ai dit: ce qui pourrait rendre ceci intéressant serait de faire ce qui n'a pas été fait avant, c'est à dire une série post-apocalyptique sur l'espoir. Et ce genre de série, c'est comme concevoir un chat submersible. Les concepts ne vont pas si bien ensemble. Mais j'ai pensé à la Peste Noire, qui a frappé à l'époque Médiévale. Ils pensaient que c'était la fin du monde. Les gens mourraient partout. Cela allait être la fin. Mais, en vérité, ce qui a suivi la Peste Noire fut la Renaissance. En fait, certains historiens ont dit que s'ils n'y avaient pas eu la Peste, qui a en quelque sorte fait table du rase du passé, il n'y aurait pas eu la Renaissance non plus. Donc j'ai voulu faire une série où cet événement serait une sorte de catalyseur pour un nouveau début plutôt qu'une fin.

Quand vous avez imaginé ce monde, avez-vous utilisé le comic book d'origine comme un point de départ ?

C'était juste un point de saut parce que j'avais besoin d'ajuster le concept. Donc, j'ai surtout repris le concept des deux gars, l'environnement post-apocalyptique, même si celui du comic était une guerre raciale. Ici, c'est quelque chose d'autre. Et donc ils se sont retrouvés dans cet environnement à voir ce qu'il y avait là. Et le reste est sorti de ma tête.

Avec Babylon 5, vous aviez une fin en tête. C'était un roman. Approchez-vous ce projet d'une manière similaire, ou la fin est-elle ouverte ?

J'ai effectivement un arc global pour la série qui est beaucoup introduit dans la première saison. On commence avec des choses plus centrées sur les personnages, et l'histoire se construit en parallèle de la recherche de son père par Jeremiah, et du mystère du secteur Valhalla. Et il y a quelque chose qui se passe avec l'armée, une sorte de conspiration, qui se dévoile lentement. Donc il y a bien cet aspect de construction d'une histoire plus large, mais cela n'est pas aussi rigoureux que pour Babylon 5.

Comment avez-vous envisagé le travail sur ce projet avec tous les autres projets que vous menez en parallèle ?

C'est mon engagement premier et prioritaire parce que cela prend la majorité de mon temps. Quand vous faite une série comme celle-ci, vous devez réellement en faire votre priorité parce que tout le reste n'a pas 27 million de dollars qui se cache derrière et vous dise de continuer à avancer. La télévision raconte des histoires a 48 images par secondes et vous devez toujours respecter cela. Donc c'est ma première priorité. Tout le reste vient après.

Pouvez-vous décrire qui est Jeremiah, et ce que Luke Perry apporte au personnage ?

Jeremiah est un solitaire. Il est obsédé par l'idée de découvrir ce qui est arrivé à son père, disparu quelque part dans le Secteur Valhalla. Il a promis à son père qu'il prendrait soin de son frère. Mais, donc un moment de faiblesse et d'ennui, il a tourné le dos au mauvais instant et son jeune frère a été tué. Donc il porte ces deux lourds fardeaux et il essaie, comme il le dit à un moment, de trouver la fin de l'histoire, ce qui est arrivé à son père. Luke apporte cet aspect hanté que le personnage doit avoir

Et à propos de Kurdy?

JMS: Là où Jeremiah est en quelque sorte pris dans l'histoire, Kurdy est plus pris dans le monde en lui-même. C'est celui des deux qui a le plus les pieds sur terre, à de nombreux aspects. Il est plus réaliste. Il essaie juste d'avancer jour après jour. Et il est plus apte à pleurer et rire également. Dans cette optique il est l'ancre de la série.

La série voyage beaucoup. Comment les choses se sont passées pour vous d'un point de vue logistique ?

Cela a été extrêmement difficile. C'est la plus grosse production sur laquelle j'ai jamais été impliqué, aussi bien du point de vue du budget que des tournages en extérieurs. La moyenne est de trois ou quatre jours en extérieur sur sept. On tourne sous la neige, la pluie, la boue, des conditions atroces. Nous sommes la machine. On ne s'arrête pas. C'est une énorme, énorme, laissez-moi le dire *énorme* production.

Êtes-vous à la source de tous les aspects techniques et du design de la série ? Est-ce que tout le monde s'en remet à vous ?

Oui, ils viennent à moi. Parfois, ils vont à Sam Egan (l'autre producteur exécutif) pour ses épisodes. Mais d'une manière générale, oui, c'est moi. Je tend à assez centraliser les choses, donc j'aime tout voir, tout toucher, m'assurer que tout ressemble à ce que cela doit, que cela fonctionne, parce que nous essayions de créer un monde très réaliste. Nous ne prenons pas beaucoup de libertés. Notre point de vue est de considérer ce qui se passerait dans le monde réel si de tels événements se produisaient, et quelles seraient les conséquences 15 ans plus tard. Donc toutes les extrapolations doivent être raisonnablement avérées. Donc oui, je suis impliqué dans chaque aspect. La seule chose à laquelle j'essaie de ne pas me rendre, ce sont les réunions de budget, parce que je tend à m'y endormir.

Pouvez-vous nous décrire ce monde et ce que Jeremiah rencontre dans ses voyages ?

Et bien, basiquement, c'est notre monde actuel plus quinze ans d'abus et de négligence. Vous avez ces enfants qui ont grandit sauvagement, et maintenant ils atteignent le point où ils vont soit continuer le déclin, et à vivre sur les cendres du vieux monde avec les ressources qu'ils peuvent en rester, ou bien où ils vont commencer à reconstruire notre société. Et la question devient alors de savoir qui va déterminer la forme de ce monde. Il y a des petits regroupements qui se sont éparpillés, des petites communautés et des petites organisations. Vous avez tous les aspects de la société ramenés dans un microcosme et en compétition les uns avec les autres pour déterminer la forme du futur. Et, bien sûr, il n'y a aucun sens de ce qui peut se passer au-delà des mers parce qu'il n'y a plus de communications, plus de télévision, plus de radio. Donc les gens sont globalement seuls.

Avez-vous pour projet de mettre en scène des épisodes ?

Non. J'ai mis en scène une fois auparavant pour Babylon 5, et je n'avais vraiment aucun désir particulier d'être réalisateur. Si jamais quelqu'un se désengageait à la dernière minute, je pourrai prendre sa place, mais ce n'est pas quelque chose que je souhaite. Ce n'est pas ma force. Je vois ma vision réalisée en engageant un réalisateur qui la concrétisera. S'il ne le fait pas, je le renverrais, ce qui est plus facile. Mais je n'ai aucun projet de mise en scène actuellement.

Pouvez-vous me dire comment Sam Egan et vous travaillez ensemble ?

Sam et moi furent présentés par la MGM. Il a travaillé avec eux sur ''The Outer Limits'' (Au-delà du Réel). Il a également travaillé sur ''Northern Exposure'' et d'autres séries. Nous nous sommes bien entendus à notre première rencontre, et avons décidé de diviser les tâches d'écriture et de production sur la série. Il mènerait à bien ses épisodes et j'en ferai de même de mon coté. Même si j'ai le contrôle au final, je lui laisse la plus grande liberté parce qu'il a été un showrunner et j'ai beaucoup de respect et d'admiration pour ses capacités. Donc, ses scripts arrivent de lui et je les lis, et une fois que nous sommes d'accord sur le scénario, et bien ils s'en va de son coté et le fait réaliser. En général, nous alternons à chaque épisode. Tandis que je tourne le miens, il prépare le sien. Quand je prépare, il tourne. C'est une balance agréable.

Comment était-ce d'écrire Amazing Spiderman #36 (centré sur les attentats du 11 Septembre). Comment est-il né et quelle a été la réaction ?

Au début, je ne voulais pas l'écrire parce que je ne savais pas quels seraient les mots ni comment les aligner. J'avais plus ou moins décliné jusqu'à un jour où j'étais sur le plateau, et où j'ai fais une pose dans ma loge. D'un coup, c'est venu de nulle part. C'était plus de la transcription que de l'écriture. C'est sorti en une heure et demi, et je me suis retrouvé à regarder ça en me demandant d'où est-ce que cela avait bien pu sortir. Je n'avais jamais écris de cette façon auparavant. C'était une nouvelle voix pour moi. Donc cela s'est réalisé et le résultat a été une aide, je pense, parce qu'il a contribué à mettre les choses en perspective pour un nombre important de gens d'après les lettres et e-mails que j'ai vus. Il y a même eu un officier de police qui m'a écris pour me dire que cela avait été une grande aide pour lui et des collègues qui avaient été sur les lieux. Il a dit qu'il y avait des choses qui avaient été capturées là que personne d'autre ne pouvait connaître émotionellement. Il a parlé des gens qui venaient les voir leur demander ce qu'ils pouvaient faire pour aider. Ils avaient besoin de chaussures parce que les nôtres n'arrêtent pas de fondre à force de marcher sur les décombres sous lesquelles le feu brûle. Et ce genre de chose, ce sentiment se trouvait dans le comic. L'autre bonne chose est que quelqu'un doit s'adresser aux enfants. Et les enfants tendent à ne pas regarder Nightline, ou Dan Rather. Ils ont besoin de choses pour mettre les événements en perspective eux aussi. C'est en cela que le comic a apparemment été un succès, donc il valait la peine d'être fait.

Projetez-vous de continuer à travailler dans les comics ?

Je fais tout. Je pense que cela vous garde frais. J'écris des comics. J'écris pour la télé. Je viens de faire le scénario d'un film, une adaptation de Rising Star, qui doit entrer en production cette année. Je pense que toute écriture est une bonne écriture parce que vous pouvez en retirer des connaissances.

Pouvez-vous nous dire quelque chose du film Rising Star?

Juste que le film sera fait par Atlas, ceux qui ont fait City of Angels (La Cité des Anges) ou Twelve Monkeys (L'Armée des 12 Singes). Ils sont la compagnie de production qui va faire le film pour la MGM. Ils sont actuellement à la recherche d'un réalisateur.

La dernière question nous ramène à Jeremiah. Pouvez-vous parler de Jeremiah sur la question de l'ancrage de la série dans le monde post 11 septembre?

Et bien, vous devez comprendre ce qui est le pivot de cette série. La science-fiction est un genre optimiste. Elle dit que l'on peut effectivement aller de l'avant, qu'il y aura un demain. Ce ne sera peut-être pas le plus merveilleux de tous les demains possibles, mais on va aller de l'avant. Les cafards n'hériteront pas de la planète. Et il y a des jours où l'on tend à penser que c'est trop dur, que les choses sont trop dures. On a enduré le 11 septembre, comment peut-on aller de l'avant ? Ce que dit Jeremiah, c'est que quoi que ce soit que vous fassiez subir à la race Humaine, nous persévérerons. Même si vous anéantissez la moitié de la planète, ceux qui survivrons iront de l'avant, la beauté ira de l'avant, l'art ira de l'avant, la noble lutte pour le sens et ses conséquences iront de l'avant ; il y a quelque chose qu'on ne peut dominer ou soumettre chez l'Humain qui transcende même la mort. Nous irons de l'avant. Et à la lumière du 11 septembre, en particulier, c'est un message très important à communiquer. Une tragédie ne nous affaibli pas, elle nous rend plus fort.