Symbôles
et Présages,
la construction de l'Univers Babylon
Le
projet Babylon démarre pour de bon en 1991. Après trois années
passées avec Doug Netter à essayer de vendre la série, J.
Michael Straczynski obtient le feu vert... pour un téléfilm pilote
d'une heure trente. Il sera diffusé en 1992.
Après quelques péripéties, la première saison de la série suit un
an plus tard. Une chance : JMS a obtenu cette fois l'accord
pour la production directe des 22 épisodes (là où bien des séries
ont d'abord un contrat de 13 épisodes, renouvelé éventuellement ensuite
pour compléter la saison). Grâce à cela, il va être possible de planifier
au maximum, et de répartir précisément le budget sur l'ensemble de
l'année, en fonction des besoins. Compte-tenu des conditions
budgétaires assez drastiques de la série, ce n'est pas du luxe : elle
est en effet filmée pour moins d'un million de dollar (précisément
920.000$) par épisode. Pour se donner une idée, les concurrents direct
que furent dans ces périodes des séries telles que Star Trek
DS9 ou Space : Above and Beyond coûtaient respectivement
1.5 million et 2.5 millions.
Créer un Univers avec de telles restrictions n'est pas chose aisée.
La première saison de la série en témoigne de manière évidente. Il
faut bien reconnaître que, particulièrement dans sa première moitié,
le manque d'argent est apparent à chaque épisode. Ce n'est rien à
coté des contraintes que cela imposait en coulisse : par exemple les
décors de la série furent montés petit à petit au début de l'année,
si bien que les premiers épisodes devaient se contenter d'une liste
restrictive de certains d'entre eux. Il n'y a donc rien de particulièrement
étonnant dans le fait que la première saison de la série soit la plus
faible de toutes.
Exploration d'un Univers
L'un des principales richesses de Babylon 5 est, bien entendu,
son fameux story-arc sur 5 ans, entièrement planifié qui en fait plus
qu'une simple série télévisée : un véritable roman pour la télévision,
une histoire avec un début, un milieu et une fin.
Raisonnablement, Straczynski a choisi de lancer cette grande
histoire avec prudence. Inutile de prendre le risque de plonger son
audience dans la perplexité après 10 épisodes. En plus la Warner
se montre assez réticente à ce que JMS
aille trop de l'avant en ce sens, au moins pour le moment.. De toute
façon, avant de pouvoir prétendre l'exploiter à fond, JMS doit
présenter cet Univers, le rendre familier à son public.
C'est cet objectif que devront remplir la plupart des épisodes de
cette saison composée d'une majorité d'histoires indépendantes. Des
histoires, écrites par JMS ou par d'autres, en général à partir
d'une idée qu'il leur a transmise, seront développées avec l'idée
en tête que tel élément qu'elles présentent deviendra important à
un moment ou un autre de la série. Les exemples sont multiples : la
première introduction du thème de la peine de Mort de Personnalité
dans The Quality of Mercy sert à introduire le concept d'une
deuxième personnalité, utilisé dramatiquement l'année suivante avec
un des personnages principaux ; Soul Hunter introduit la croyance
en l'existence de l'âme des Minbaris, et suggère que Delenn puisse
considérer celle de Sinclair comme particulière ; Legacies
apporte un éclairage précis sur les conflits qui opposent les castes
Minbaries...
Déjà, au sein de cette première année, quelques histoires s'inscrivent
comme les plus marquantes de l'Univers Babylon, que l'on évoque encore
souvent aujourd'hui. Believers confronte le Dr Franklin - et
bientôt Sinclair lui-même - a un choix impossible. Faut-il sauver
la vie d'un enfant au prix d'un acte médical contraire à la culture
de ses parents ? A cette question classique, Babylon 5 a la
particularité de ne pas apporter de réponse toute faite, mais de bien
montrer le caractère insolvable de telles questions rapportées à un
exemple concret. Autre exemples marquants : l'évocation du mythe de
l'immortalité dans Deathwalker ou l'exploration des religions
aliens et Humaines dans Parliament of Dreams. La série veut
aussi nous donner à voir une véritable station-ville, avec sa part
de réalisme. Elle ose un épisode comme By Any Means Necessary,
ou Sinclair doit affronter une grève des Dockers de la station.
Le commencement d'un mythe
Son story-arc, JMS choisit de l'introduire principalement via
un mystère : qu'est-il arrivé à Sinclair pendant les 24 heures disparues
de sa mémoire, et qui coïncidèrent avec la reddition inattendue des
Minbaris, 10 ans plus tôt ? Les épisodes les plus importants y font
presque tous référence et, progressivement nous découvrons avec Sinclair
l'implication très active dans cette histoire des Minbaris, et comprenons
que tout cela cache un mystère plus grand encore... Parallèlement,
les fils d'autres intrigues sont tissés : Mind War nous permet
de découvrir Bester, le Corps Psi et leurs méthodes effrayantes ;
Signs and Portents nous présente, fugacement et sans qu'elles
soient nommées, les Ombres, mais s'attarde surtout sur leur représentant,
Morden, et la question qu'il pose aux Ambassadeurs (''Que voulez-vous
?'') ; avec A Voice in the Wilderness nous faisons connaissance
avec Draal et la Grande Machine d'Epsilon 3 ; et Babylon Squarred
nous initie aux mystères de Babylon 4, et à son paradoxe spatio-temporel
qui implique des personnages bien connus...
Après pas mal de mises en places et de tâtonnements, la série donne
la sensation de décoller avec ses derniers épisodes, particulièrement
le passionnant season finale, Chrysalis, qui rassemble la plupart
des pistes narratives déjà introduites et en présente d'autres encore,
composant une conclusion efficace.
11
vies
Bien sûr, l'autre mission principale de cette saison est de nous faire
connaître la dizaine de personnages qui composent la distribution
: quatre Humains qui dirigent la station, plus un autre télépathe,
et 6 extraterrestres : les Ambassadeurs des trois civilisations majeures
et leurs assistants respectifs.
La série se montre excellente à ce jeu-là, brossant des caractères
forts mais emprunts de défauts, toujours attachants. Le seul défaut
que l'on pourrait mentionner est la relative ''unidimensionnalité''
(excusez la barbarisme) de certains personnages, mais ce défaut-là
n'est que de l'esbroufe destinée à mieux nous surprendre quand ces
personnages se révèleront sous leur jour véritable peu après.
A la tête de la station se trouve le Commandant Sinclair, interprété
par Michael O'Hare. Le personnage ne passera pas la saison.
Comme tous l'admettent assez facilement aujourd'hui, ce fut une terrible
erreur de casting. Le cérébral O'Hare, au jeu formidable, mais
très intérieur devait parvenir à faire passer de manière crédible
des qualités de leader qu'il n'a absolument pas. Le potentiel énorme
de Babylon 5, et sa bancalité lors de cette première saison,
se trouve résumé là, d'une certaine manière.
EN
BREF :
Quelques excellents épisodes, des pierres indispensables à l'édifice
du story-arc de la série, de grands personnages... Mais l'ensemble
semble être moins bon que la somme de ses parties. C'est vraiment
pas mal, mais le meilleur est à venir !