M i l l e n n i u M Saison 3 virtuelle Française EPISODE 3sv04 : LES AILES D'ADAM Ecrit par Amrith, Sullivan LePostec et Olivier Laurent amrith@wanadoo.fr sullivanlp@ifrance.com oliviertftlaurent@yahoo.fr D'après une histoire d'Amrith, Sullivan et Norman. TEASER SEQUENCE 1 - FLASHBACK 1968 - CAMPAGNE DE L'IDAHO - EXT. NUIT Vue sur une étendue de terre beige. Le soir vient de tomber sur la plaine, deux hommes marchent côte à côte, habillés d'un jean et de manteaux bruns. Un des hommes, TOD, tient une petite boîte noire dans sa main. TOD (à peine audible) J'ai peur de ne pas tenir le coup. Le deuxième homme, JACK, reste silencieux et laisse son ami parler. TOD (poursuivant) Je la vois partout. Cela ne peut pas être vrai. Tod s'arrête. Il porte sa main libre à son visage comme pour cacher les larmes qui commencent à couler le long de ses joues. TOD Pourquoi ? Pourquoi ? Jack s'approche de lui. Il l'empêche de se cacher le visage et le regarde dans les yeux. JACK Je sais ce que tu ressens, Tod. Je ressens la même chose. Ann était une amie. Plus qu'une amie. TOD J'aurais pu faire quelque chose... j'aurais du faire... JACK Arrête. Arrête ! C'était un accident. Ce n'est pas ta faute, tu n'aurais rien pu faire contre cela. Ce n'est pas ta faute Tod ! TOD Je ne vais pas y arriver. Je ne pourrais pas. Jack n'est pas à l'aise avec ce que viens de dire Tod. JACK Ne dit pas cela. Je t'en prie ne dis pas cela. Je sais que c'est une épreuve difficile, mais... mais je suis là pour t'aider. Nous sommes tous là pour t'aider. Tod s'agenouille sur le sol. Il dépose la boîte qui contient les cendres de sa femme à côté de lui. Ses yeux semblent se perdre dans le vide. La caméra fait un gros-plan sur la chaussure de Tod qui se trouve sur un morceau de terre plus épais. JACK (continuant) Nous serons toujours là. Elle ne voulait pas de moi. Tod lève les yeux vers Jack. TOD (articulant difficilement) Qu'est ce que tu as dit ? JACK Nous serons toujours là pour toi. Tu le sais. Tod tombe soudainement à genoux sur le sol en se tenant la tête et se met à crier sans raison. Jack tente de le secouer pour le calmer. JACK Hé, qu'est-ce qu'il passe Tod ? ! L'objectif filme le visage de l'homme devenant suant et rouge, ses yeux plissés et tétanisés. De violentes visions agressent l'esprit de Tod : - son ami Jack embrassant sa femme Ann. ANN Non... non ! Arrête. - Jack sous la voiture d'Ann en train de couper les freins. JACK Elle ne voulait pas de moi. Tod ne peut plus retenir les larmes qui coulent sur ses joues. Il commence à lever les yeux vers son ami. La caméra nous montre ce que Jack peut y voir : de la haine. TOD Pourquoi ? JACK (criant) Bordel, qu'est ce qu'il y a ? ! Une autre vision : - Ann giffle Jack. ANN Laisses moi. Je ne veux plus jamais te voir. JACK Pourquoi lui ? Tod se lève doucement pour se mettre au même niveau que son ami. TOD (inspirant fort) Qu'est ce que tu lui as fait ? Jack se fige et ne dit rien un instant. JACK (tremblant) Quoi ? Qu'est ce que tu racontes ? TOD (la face relâchée) Tu l'as tuée, tu as provoqué l'accident. Pourquoi ? POURQUOI ? ! JACK Qu'est ce qui t'arrive ? Tu dis n'importe quoi. Sans prévenir, Tod frappe d'un coup de poing l'abdomen de Jack. Ce dernier bascule à la renverse. Assis sur le sol, ses mains sur son ventre, le souffle coupé. TOD POURQUOI ? ! Jack se relève doucement sans quitter Tod du regard. Il fait deux pas à reculons en montrant bien ses mains. JACK (difficilement) Regarde-moi, on se connaît depuis des années, tu crois que j'aurais pu te faire ça à toi ? Tod reste inexpressif. Il ne bouge pas, ne dit rien, mais ses yeux parlent pour lui. On peut y voir de la haine. Tod commence à s'avancer vers Jack. JACK (apeuré) Arrête... Tod ne s'arrête pas. Jack sait ce qui va suivre. Il a déjà vécu cela. Sauf qu'il n'était pas la victime, contrairement à aujourd'hui. Jack remarque alors la boîte noire qui se trouve toujours sur le sol, derrière Tod. D'un bond il se jette derrière Tod, et tente d'attraper la boîte remplie de cendres. Jack n'a pas le temps de se retourner que son ami abat la boîte sur son crâne. Jack tombe à terre, inconscient, mais cela n'arrête pas Tod, qui porte un second coup. La caméra recule peu à peu, nous montrant l'homme déchaîné battant à mort son ami inconscient. Le bruit des coups est la seule chose que l'on peut entendre dans la plaine. Bientôt les coups s'arrêtent. Tout redevient silencieux. M i l l e n n i u M GARDER ESPOIR CROIRE AU FUTUR L'HEURE EST PROCHE ? « Si la raison est un don du ciel, et que l'on en puisse dire autant de la foi, alors le ciel nous a fait deux présents incompatibles et contradictoires. » Diderot ACTE 1 SEQUENCE 2 - 1910 EZEKIEL DRIVE, SEATTLE - INT. JOUR Vue sur un dossier administratif jeté sur une table basse. Frank Black, assis dans le fauteuil de son salon, regarde son avocat déambuler de droite à gauche en se frottant les mains. L'AVOCAT Monsieur Black, nous ne sommes pas dans une situation avantageuse en ce qui concerne ce procès... vous en êtes conscient ? FRANK (soupirant) ...Oui, je me doute. L'AVOCAT Néanmoins j'ai eu plusieurs fois à faire à ce genre de cas, et je pense que la plupart de leurs accusations sont contournables. FRANK (se penchant en avant) Je ne supporterai pas qu'on m'enlève ma fille... C'est tout ce que j'ai à dire je suis désolé. L'AVOCAT (se frottant le menton) Ce ne sera pas si facile. Monsieur et Madame Miller, vos beaux-parents, semblent bien décidés à obtenir la garde de Jordan. Frank place son visage dans ses mains un instant, apparemment mal à l'aise. FRANK Ils me considèrent comme responsable de la mort de ma femme... L'AVOCAT Etes-vous responsable de la mort de votre femme ? FRANK (le regard triste) J'aimerais être complètement persuadé que ça n'est pas le cas... L'AVOCAT (hésitant après un temps de silence) L'argument qu'ils comptent faire valoir est celui de votre santé mentale instable. L'avocat évoquera certainement vos dépressions nerveuses dans le passé, et sur ce point j'aurais des difficultés à vous défendre si vous ne m'expliquez pas Monsieur Black. FRANK (fatigué) J'ai été hospitalisé... à deux reprises, à causes de... problèmes psychologiques dus à mon travail. C'est tout... L'avocat saisit sa mallette posée sur la table basse et la glisse sous son bras en adressant un demi-sourire à Frank. L'AVOCAT Monsieur et Madame Miller ne veulent pas uniquement vous retirer votre fille. Ils comptent également intenter un procès contre vos employeurs, un certain... Groupe Millennium, c'est bien ça ? FRANK (fermant les yeux) Oui, je ne me fais pas de souci pour eux... L'AVOCAT (embêté) Vous ne voulez pas m'en dire plus sur qui ils sont ? Frank se lève et raccompagne l'avocat vers la porte. FRANK Non. La seule chose que je veux, c'est que Jordan reste dans cette maison avec moi, faites tout ce qui est en votre pouvoir pour convaincre le juge. Ou bien je la garderai avec moi par mes propres moyens. Ils ne la toucheront pas. L'AVOCAT Nous ferons valoir votre légitimité en rappelant que vous avez élevée votre fille durant plus de sept ans. FRANK (les yeux à demi fermés) Je la garderai de force, si les évènements ne tournent pas dans le sens que j'espère. L'AVOCAT (ouvrant la porte de sortie) Ne dites pas ça, nous allons tout faire pour remporter ce procès. Je vous tiens au courant, vous avez tous les papiers à votre disposition. Au revoir Monsieur Black. L'avocat sort de la maison et Frank ferme mornement la porte juste ensuite. Il reste debout au milieu du hall, le regard fixé sur le plancher. SEQUENCE 3 - QG DU GROUPE MILLENNIUM - INT. JOUR Vue sur Suzanne McCarlton dans un ascenseur gris. Suzanne s'adosse à la paroi du fond et presse le bouton de l'étage inférieur. Elle ferme les yeux et replace ses cheveux bruns en arrière d'un geste de la main. Soudain l'ascenseur s'arrête et Suzanne ouvre un œil. Les portes s'ouvrent et le Doyen pénètre à son tour à l'intérieur du compartiment. Suzanne se redresse immédiatement par respect. LE DOYEN Ne bougez pas, le temps où l'on me devait respect est révolu. SUZANNE (gênée) La redéfinition du pouvoir hiérarchique du Groupe en Conseil ne sert pas vos intérêts, je le sais... LE DOYEN (pressant un bouton) Comment est-ce que ça se passe avec votre candidat ? SUZANNE Et bien... Frank me paraît être un homme droit et je suis persuadée que nous ferons du bon travail ensemble. LE DOYEN (tirant le col de son costume) Excellent. Vous parviendrez à en faire l'un des nôtres Suzanne. SUZANNE ...J'ai reçu un message de votre part ce matin... LE DOYEN Un nouveau cas s'est produit. SUZANNE (intriguée) Comment ? LE DOYEN Oui. L'appel téléphonique que nous n'attendions plus a eu lieu à l'aube, nous avons enfin des données viables. Suzanne écarquille les yeux et entrouvre la bouche. Elle jette un coup d'œil à la caméra de surveillance placée dans un coin de l'ascenseur. SUZANNE Vous... avez découvert où se trouve la chose ? LE DOYEN (fièrement) Rien n'est tout à fait sûr, mais tout porte à croire que nous sommes désormais en mesure de procéder à la récupération. Vous savez ce qui est en jeu, je vous fais confiance. SUZANNE Je... c'est incroyable, après tout ce temps. Un élément d'une telle importance exigerait que l'on envoie toute une unité sur place monsieur. LE DOYEN Non, la discrétion est notre priorité. Localisez la source précise puis contactez-moi. C'est une œuvre ratée de plusieurs siècles qui peut aujourd'hui gravir un nouvel échelon... SUZANNE (impressionnée) Il faut absolument y comparer le Don de Frank. Cette chose pourrait accélérer le calendrier de Millennium de façon extraordinaire. L'ascenseur s'arrête au rez-de-chaussée et les portes s'ouvrent avec une petite sonnerie. Le Doyen sort de la cabine et se retourne vers Suzanne restée à l'intérieur. LE DOYEN C'est une chance unique, je vous charge d'y voir plus clair. Deux billets vous attendent sur votre bureau pour que vous emmeniez Frank avec vous. Et soyez prudente, n'ébruitez pas nos intentions auprès des autorités, vous m'avez compris ? SUZANNE Limpidement monsieur. L'objectif filme les portes grises se refermer lentement et cacher peu à peu le visage strict de Suzanne. SEQUENCE 4 - 1910 EZEKIEL DRIVE, SEATTLE - INT. JOUR Vue sur un écran d'ordinateur exposant un Ouroboros. Frank est assis devant l'ordinateur, le visage sévère. Il croise ses mains sous son menton, perdu dans ses pensées. Il examine alors son ordinateur une dizaine de secondes puis se penche vers le micro. FRANK (avec application) Hasta la vista baby. Un petit bip retentit après vérification du passe vocal. « Bonjour Frank. Il reste 468 jours. » Frank regarde le message avec remords. Il a à peine le temps de poser sa main sur la souris que l'Ouroboros se colore de rouge et se met à clignoter en émettant des sonneries répétées. « Anomalie détectée. Sûreté des fichiers compromise. » Frank entrouvre sa bouche et donne une tape sur son moniteur. Décontenancé, il tente d'éteindre l'ordinateur au plus vite. « Intrusion non-autorisée. Contacter Groupe Millennium. » Frank presse le bouton sur la colonne de l'ordinateur située sous son bureau et l'écran du moniteur devient noir et silencieux. Frank soupire en frottant son front. FRANK (plissant les yeux) Hmmm... Soudain Frank se fige et tend l'oreille. Il entend Jordan parler à quelqu'un dans le jardin sans pouvoir discerner ce qu'elle dit. Angoissé, il se lève vivement de sa chaise et trotte dans la maison alors que la caméra le suit. Il ouvre la porte et son visage est assailli par la lumière du soleil alors qu'il entame deux pas dans le gazon du jardin. En vue subjective, Suzanne est en train de parler à Jordan qui a laissé tomber son vélo au sol. Suzanne relève sa tête vers Frank. SUZANNE (replaçant son sac à main sur l'épaule) Bonjour Frank ! FRANK (avec un sourire un peu forcé) Bonjour. Frank s'approche de Suzanne, s'apprête à lui dire quelque chose mais se tait finalement. Jordan se cache timidement derrière Frank. SUZANNE (souriant) Votre fille est vraiment adorable. JORDAN (gênée) C'est qui papa ? FRANK Elle travaille avec moi Jordan. Mais je ne suis pas content, je t'ai pourtant appris qu'on ne devait pas parler aux inconnus. JORDAN (étonnée) Même si c'est une femme ? FRANK Même si c'est une femme. SUZANNE (faisant un sourire à Jordan) Je lui ai déjà dit que j'étais une collègue de son père mais elle n'a pas voulu me croire. FRANK Qu'y a t'il Suzanne ? Une nouvelle affaire pour le Groupe ? SUZANNE (ignorant la question) En tout cas votre maison est très belle Frank, peinte en jaune... c'est original. FRANK (une pointe de tristesse dans le regard) Ah, oui... SUZANNE En effet, je viens vous montrer quelque chose. SEQUENCE 5 - 1910 EZEKIEL DRIVE, SEATTLE - INT. JOUR Vue sur Jordan montant les escaliers en courant. Frank fait entrer Suzanne dans le hall et tourne sa tête vers Jordan. FRANK N'oublie pas de ranger ta chambre ! JORDAN (galopant) D'accord ! Frank se retourne vers Suzanne avec un sourire amusé. FRANK (souriant) La chambre de ma fille est une vraie foire. SUZANNE (rendant son sourire à Frank) Si vous aviez vu la mienne à son âge... mon père était policier, il était très strict sur l'ordre. Suzanne fouille dans son sac à main et en ressort quelques pages dactylographiées accompagnées de photographies. Frank les saisit et les observe minutieusement. SUZANNE (commentant) On a découvert ces deux cadavres hier. Eddy Milton et Horace Carter, des associés dans une petite entreprise de Boise dans l'Idaho. La trentaine, célibataires, aucun passé psychiatrique. Comme vous voyez ils sont morts côte à côte en un court laps de temps... FRANK (scrutant les photographies) ...et le meurtrier ? SUZANNE C'est ce que nous sommes chargés de découvrir. Ils ont à priori été tués avec un morceau de roche au milieu de cette plaine déserte. La caméra fait un gros-plan sur les photographies de deux hommes étendus par terre sur un terrain poussiéreux. Ils sont ensanglantés. FRANK (concentré) Eddy Milton a une blessure au front très peu impressionnante comparée à l'état mutilé du cadavre d'Horace Carter. Le meurtrier ne s'est acharné que sur l'un des deux corps, c'est typique du meurtre crapuleux, à but financier, ou bien des représailles... non... SUZANNE Je vous demande de m'accompagner sur place. Prenez quelques bagages, ça ne devrait pas durer plus de quelques jours. FRANK (toujours focalisé sur les photographies) Vous essayez de me piéger ? Ces hommes n'ont pas été tués par une tierce personne. Eddy Milton a massacré Horace Carter à coups de pierre et l'a mutilé post-mortem. Il s'est ensuite suicidé d'un simple coup de cette même pierre dans la tête, et a certainement trouvé la mort au bout d'une dizaine de minutes d'agonie. Suzanne s'illumine d'un grand sourire. SUZANNE (enthousiaste) Bravo Frank, test réussi. Comment avez-vous deviné ? FRANK L'intuition. Et l'absence de blessures défensives sur les avant-bras d'Horace Carter. Ca voudrait dire qu'il n'a pas vu son agresseur l'attaquer, et dans une plaine sans reliefs ni recoins ça paraît peu vraisemblable. Il s'est donc fait attaquer par une personne qui marchait déjà près de lui, en l'occurrence Eddy Milton. SUZANNE (impressionnée) Je suis contente de travailler avec le seul homme au monde capable de déduire une chose pareille en moins de dix secondes. Il n'empêche qu'il nous revient d'enquêter sur les circonstances de ces morts, et sur les raisons qui font qu'un homme puisse briser tous les os de son meilleur ami et s'acharner sur son cadavre. Nous partons pour l'Idaho dans moins d'une heure. FRANK Très bien. Avant cela je dois trouver quelqu'un pour garder Jordan... SUZANNE Emmenez-la avec nous si vous voulez. FRANK J'évite autant que possible de mêler Jordan à mon travail. SUZANNE (rassurante) Frank, nous nous rendons simplement sur le lieu d'un crime. Croyez-moi elle ne risque absolument rien. La caméra fait un plan sur le visage de Frank, dubitatif. Il tourne sa tête vers le salon et regarde avec méfiance son ordinateur Ouroboros, qui s'est curieusement rallumé et qui ronronne doucement. FRANK (avec un demi-sourire) Vous avez les billets ? SEQUENCE 6 - CAMPAGNE DE BOISE - EXT. JOUR Vue sur une voiture fonçant à vive allure sur une route déserte. A l'intérieur, Suzanne est au volant et Frank, lunettes noires aux yeux, examine une carte détaillée en penchant sa tête sur le côté. FRANK (sceptique) On doit être tout proches maintenant... SUZANNE Ne vous en faites pas, j'ai étudié le tracé hier. Une petite bourgade périphérique où l'activité principale reste l'agriculture. Pas l'endroit idéal pour fonder un commerce. FRANK La garderie à quelques kilomètres d'ici, vous êtes sûre que... SUZANNE Oui, Jordan y est parfaitement en sécurité. Ne soyez pas toujours inquiet comme ça, parlez-moi plutôt de vous. FRANK (surpris) De moi ? SUZANNE De vous, de votre fille... FRANK Millennium possède plus d'informations sur moi qu'il ne vous en faut. Et en tant que superviseur vous devez probablement connaître mon parcours sur le bout des doigts. SUZANNE Bon... alors je vais vous raconter une histoire. En 1968, deux amis marchent tranquillement dans la campagne par une belle journée ensoleillée. Soudain, l'un des deux hommes se jette sur l'autre et le bat à mort sans aucune explication rationnelle. L'homme sera capturé par la police et mis sous les verrous mais le motif du crime demeurera toujours aussi mystérieux. L'affaire fera les titres de tous les journaux du pays... FRANK (réfléchissant) Oui, vous êtes en train de me raconter une affaire similaire à celle qui s'est déroulée hier. Deux cas semblables. SUZANNE (souriant) Oh oui, tout à fait semblables. Et qui de plus se sont déroulés au même endroit. La plaine dans laquelle nous nous rendons est le lieu où se sont produit de façon inexplicable ces deux cas presque identiques... Frank entrouvre la bouche. FRANK Bien... Suzanne sourit et presse l'accélérateur. La voiture file rapidement vers l'horizon orangé. SEQUENCE 7 - CAMPAGNE DE BOISE - EXT. JOUR Vue en plongée sur une vaste plaine terreuse. Le soleil couchant jette des ombres brunes sur la terre poussiéreuse recouvrant les lieux. De nombreuses silhouettes de policiers inspectent les alentours du terrain. Une zone massive est délimitée par des bandes jaunes entourant un périmètre protégé. Le lieutenant Smith frotte sa moustache en regardant ses hommes prendre de nouvelles photos des lieux. SMITH (criant) Hé Barry ! Ne marche pas là, tu vois pas le petit drapeau bleu ? C'est signe qu'il ne faut pas y toucher ! Smith se passe la main sur le front en soupirant. SMITH (la voix haut perchée) Bon il commence à faire chaud, alors bougez-vous de finir les relevés, qu'on remballe tout le matériel ! SUZANNE (OFF) Lieutenant Smith ? Smith se retourne vers Suzanne et Frank. Suzanne sourit et serre la main du lieutenant qui adopte un air interrogateur. SMITH Et vous êtes ? Suzanne sort de son sac une carte de visite blanche marquée d'un Ouroboros et sous-titrée : Suzanne McCarlton. SUZANNE Nous faisons partie du Groupe Millennium et nous aimerions examiner les lieux du crime. SMITH (méfiant) Désolé madame, c'est hors de question. Je ne connais pas votre Groupe... Millennium, et on ne m'a pas averti de votre venue. SUZANNE (ennuyée) Nous travaillons souvent pour le gouvernement et sommes spécialisés dans certaines affaires délicates. Laissez-nous passer nous avons les autorisations nécessaires. SMITH Allez-vous en madame, je ne vous le répèterai pas une autre fois, vous voyez bien qu'on a du boulot. SUZANNE (agacée) Alors téléphonez à vos supérieurs, ils sauront de quoi il s'agit ! Lassé, Frank s'éloigne lentement de Suzanne. La caméra le filme marchant près des bandes jaunes, alors qu'en second plan Suzanne continue de négocier avec le lieutenant de police. Frank regarde les hommes fouiller le terrain à la recherche d'indices, le visage inexpressif. Soudain, son regard croise la silhouette d'un homme posté de l'autre côté du périmètre protégé : un homme noir en manteau, portant un ostentatoire nœud-papillon sous son cou et apparemment captivé par la scène. Frank scrute l'inconnu quelques secondes, troublé. SUZANNE (OFF) Frank c'est arrangé, venez. Frank fait face à Suzanne et approuve de la tête. Ils enjambent la bande jaune et se retrouvent au milieu d'une mare de policiers. Ils marchent alors lentement vers une zone parsemée de petits drapeaux bleus plantés dans le sol. SUZANNE C'est la zone précise où l'on a retrouvé les deux corps. Enfin, les trois corps, si l'on compte celui d'il y a trente ans... Frank s'accroupit au sol et regarde la surface terreuse avec concentration. Il remarque que les plantes et les herbes sont écrasées autour de la zone et projette son regard au loin pour constater que ça n'est pas le cas sur le reste du terrain. FRANK (le visage grave) Les plantes... plusieurs personnes ont dansé autour des deux cadavres hier... SUZANNE (intéressée) Une messe occulte ? FRANK Possible. Frank pose sa main au sol et caresse la terre beige. FRANK (continuant) Suzanne, vous allez demander à la police une analyse sommaire de ces résidus de terre... il s'est passé quelque chose de très étrange ici... SUZANNE Vous avez une idée derrière la tête ? L'objectif fait un gros-plan sur la main de Frank frottant le sol. Soudain, Frank est assailli d'images violentes et rapides qui le figent sur place : - un homme le visage ensanglanté hurlant sous les coups - des chants religieux sous des vitraux Alors Frank soupire en se relevant doucement. FRANK Nous ne sommes pas seuls sur cette affaire. Frank tourne sévèrement son regard vers l'homme noir au nœud-papillon posté plus loin. Ce dernier fixe Frank avec calme puis s'en va tranquillement en rangeant ses mains dans son manteau. FONDU AU NOIR. ACTE 2 SEQUENCE 8 - PENITENCIER ARAEL - EXT. JOUR Vue sur une sinistre prison aux murs gris. La voiture de Suzanne et Frank est garée juste devant. SEQUENCE 9 - PENITENCIER ARAEL, BATIMENT C - INT. JOUR Vue sur Suzanne qui signe un papier à l'entrée. Elle indique à Frank le chemin puis ils se mettent à marcher dans les couloirs de la prison en discutant. Des ombres balayent leurs visages à grande vitesse. FRANK Qui allons-nous voir ? SUZANNE Il s'appelle Tod Handy, on en a parlé brièvement dans la voiture. Il est incarcéré ici à perpétuité pour le meurtre violent qu'il a commis sur son meilleur ami en mars 1968. FRANK (le regard pensif) Vous persistez à croire qu'il y a un rapport entre les deux cas ? SUZANNE La victime d'il y a trente ans, Jack White, a été tuée sur les lieux où l'on a retrouvé nos deux corps actuels. Les motifs de ce nouvel assassinat restent inexplicables là aussi. Ca nous donne une bonne raison de faire des rapprochements, vous ne trouvez pas ? FRANK Trente ans c'est long. Deux incidents un peu flous qui se sont déroulés au même endroit sur une telle période, ça peut-être un pur et simple hasard... SUZANNE (souriante) Vous pensez que nous serions là si c'était une question de hasard ? Etes-vous seulement persuadé que le hasard existe ? FRANK (ironique) Je ne suis pas l'homme qu'il vous faut pour répondre à ça. Frank et Suzanne rentrent par une porte en métal et sont fouillés un instant par un garde, qui leur signale ensuite qu'ils peuvent passer. Le garde les accompagne jusqu'à la cellule située quelques mètres plus loin, dont il ouvre la porte dans un grincement. SEQUENCE 10 - PENITENCIER ARAEL, CELLULE DE TOD HANDY - INT. JOUR Frank et Suzanne entrent dans la cellule à peine éclairée. Tod les scrute le visage fatigué, assis sur son matelas et ses cheveux devenus grisonnant depuis toutes ces années. TOD Qui êtes-vous ? FRANK Je m'appelle Frank Black, et voici Suzanne McCarlton. Nous voudrions vous interroger sur la mort de votre ami, si vous le voulez bien. Ca remonte à loin maintenant mais nous... TOD Il y a eu d'autres victimes, c'est ça ? Frank approuve de la tête, avec calme, ses yeux à demi-fermés. TOD (continuant) Alors questionnez-moi, je vous attends et j'ai pas que ça à faire. SUZANNE (songeuse) Ce ne sera pas long. Sauriez-vous si cette ville a été le théâtre de messes occultes ou de rites pratiqués par des fanatiques ? TOD (stupéfait) Pardon ? ! FRANK Nous croyons possible l'implication de ritualistes meurtriers dans cette affaire, mais nous vous demandons ce que vous en pensez. Des traces ont été laissées par un groupe d'hommes inconnu au milieu des herbes du... TOD Non, ces trucs de satanistes c'est du pipo qu'inventent les médias. FRANK Mmm... alors qui a dansé autour des cadavres ? TOD (l'air antipathique) Vous êtes malin vous, qui vous dit que c'est autour des cadavres qu'ils dansaient et pas autour du lieu où ils gisaient ? FRANK (tournant sa tête vers Suzanne) C'est une possibilité monsieur Handy, vous voulez répondre à ma question où elle ne vous inspire pas ? TOD Rien à voir avec des sacrifices humains en l'honneur de Satan ou ce genre de trucs. Les gens qui ont laissé des traces sur le lieu des crimes, c'est le cercle. Le cercle de la plaine. Frank penche sa tête sur le côté. FRANK (intrigué) De quoi s'agit-il ? TOD Et ça m'avance à quoi de vous le dire ? FRANK (réfléchissant) Cet établissement pénitentiaire est très dur, vous n'y possédez quasiment rien. J'ai travaillé autrefois dans le système fédéral, je pourrais demander à ce que vous ayez la télévision dans votre cellule et allonger les temps de visite de vos proches. Et je tiens toujours mes promesses. Vous me dites ce qu'est ce cercle ? Tod soupire en se grattant le dos. TOD C'est une communauté réduite qui traîne souvent autour de ce coin où vous avez retrouvé vos nouvelles victimes. Cette plaine, le même endroit où les flics ont découvert le corps de mon pote il y a des lustres. Mais cette petite communauté s'affiche pas trop en public, elle adule un truc qui nous dépasse... Frank prend un air d'incompréhension. L'objectif montre les yeux de Suzanne en gros-plan, qui se figent un instant ; elle intervient dans la discussion comme pour détourner le sujet de son axe. SUZANNE Et pour la mort de Jack White, votre... pote ? TOD (soupirant) C'est moi qui l'ai tué. SUZANNE Oui nous le savons. Vous lui avez déchiqueté le visage à l'aide d'une petite boîte en fer puis vous l'avez battu à mort. Quand la police vous a retrouvé, vous avez affirmé avoir agi par vengeance, c'est bien cela monsieur Handy ? TOD Il avait tué ma femme, en provoquant son accident de voiture ! Et ce salopard simulait d'être triste de la mort d'Ann... SUZANNE En effet, mais cet élément n'a été découvert par les enquêteurs que deux ans après votre incarcération. Comment pouviez-vous savoir ça au moment où vous l'avez attaqué dans la plaine ? TOD (gêné) Je l'ai expliqué à la police, mais ils n'ont pas été foutus de me croire...c'était dans ma tête. FRANK (plissant un œil) Quoi, qu'est-ce qui était dans votre tête ? TOD Un flash, une lumière saccadée dans mon cerveau, je l'ai vu qui démontait les freins de la voiture, c'était Jack... Frank entrouvre sa bouche et déploie de grands yeux, l'objectif filme ses bras qui se décroisent, presque peureusement. Il échange un regard angoissé à Suzanne qui ne dit rien. SUZANNE Des images dans votre esprit ? TOD (stressé) Oui et de façon incontrôlée, depuis ça ne m'est plus jamais arrivé. J'ai cru que c'était un pouvoir venu du ciel... Soudain, Frank se retourne vivement vers la grille de la cellule et hausse la voix, le ton énervé et les poings serrés. FRANK Gardien, je veux sortir ! SUZANNE (étonnée) Frank ? Qu'est-ce que vous faites ? FRANK Je m'en vais d'ici. SUZANNE Attendez, pourquoi ? Sans répondre à sa collègue, Frank attend que le garde ouvre la porte puis sort de la cellule et marche dans le couloir sans se retourner. Le bruit des pas rapides résonne alors avec froideur. Suzanne regarde une dernière fois Tod qui s'est mis à trembler en tenant son front dans sa main. TOD Je suis sûr que ça venait du ciel... SEQUENCE 11 - PENITENCIER ARAEL - EXT. JOUR Frank marche rapidement dans la rue, le visage frustré. Suzanne finit par le rattraper. SUZANNE Mais qu'est-ce que vous faites Frank ? FRANK (agacé) Vous m'avez menti. Cette affaire n'a rien d'une simple histoire de meurtre et vous le savez, je retrouve là l'attitude du Groupe Millennium que je n'aime pas, celui que j'ai quitté... SUZANNE Qu'est-ce que vous dites ? FRANK (énervé) Il y a toujours des mensonges qui sont nécessaires, je le sais, mais pas dans le cadre d'une enquête criminelle ! SUZANNE (calmement) Je suis votre partenaire, expliquez-moi ce qui ne va pas. Frank stoppe le pas et se poste face à Suzanne, le regard à la fois énervé et effrayé. Un petit temps de tension se fait sentir. FRANK (mordant sa lèvre inférieure) Cet homme, Tod Handy... les visions qu'il a eu, les descriptions qu'il en a faites, c'est exactement la même chose que mon Don... SUZANNE Vous en êtes sûr ? FRANK Arrêtez ce petit jeu, vous êtes là pour ça ! Et moi je repars pour Seattle avec ma fille immédiatement. SUZANNE (embêtée) Non attendez ! D'accord, oui je savais que cette affaire n'était pas banale, mais mon but n'était pas de vous tenir à l'écart ! FRANK Vous ne pouvez pas m'obliger à rester ici. Frank n'a pas le temps de reprendre son chemin que Suzanne l'interpelle. Frank s'arrête, la caméra le filme de dos, les épaules basses. SUZANNE (OFF) Et les victimes ? Vous allez partir tout en sachant qu'il risque d'y avoir d'autres morts dans cette plaine ? Frank se retourne vers son interlocutrice, le visage angoissé. FRANK Il a eu le même Don que moi Suzanne...et je suis sûr que c'était aussi le cas de nos deux cadavres plus récents... SUZANNE (avec une voix douce) Mais ça n'est pas l'important Frank. Il faut empêcher d'autres morts. C'est pour cela que vous faites partie du Groupe Millennium. Gros-plan sur le visage résigné de Frank. SEQUENCE 12 - CAMPAGNE DE BOISE - EXT. NUIT Vue sur une voiture dans laquelle attendent Frank, Suzanne et le lieutenant Smith. Le soir est tombé sur le lieu du crime. A l'arrière, Frank scrute le périmètre entouré de bandes jaunes. A force de surveiller la plaine Suzanne a les yeux fatigués et Smith fume une cigarette par ennui. SMITH Ca fait des lustres que je bosse dans cette bourgade vous savez, et j'ai jamais entendu parler d'un cercle mystique et autres fadaises. SUZANNE (se frottant la joue) Vous peut-être. Il serait intéressant de savoir si nos deux victimes récentes étaient au courant de l'existence d'une telle bande. SMITH (lissant sa moustache) Je suis obligé de rester là à attendre de nuit que se produisent des rites dignes d'un conte d'horreur pour enfants, c'est idiot... Frank regarde attentivement les alentours par la vitre. FRANK (regardant vers le ciel) Suzanne, éclairez-moi sur nos deux morts d'hier, je crois que vous me devez une sincérité professionnelle... SUZANNE En effet, mais vous savez déjà tout. Et autant vous le dire, ça n'est pas très amusant. FRANK Je commence à avoir l'habitude. SUZANNE (hésitante) Horace Carter a eu le crâne défoncé à coups de pierre par son...ami, Eddy Milton. Ce dernier s'est lui-même suicidé en se frappant mortellement avec la même pierre juste ensuite. C'est du moins ce qui ressort des rapports du médecin légiste... Bref, tout ce que vous aviez déjà déterminé. FRANK Un élan de folie n'est-ce pas... l'envie de tuer est apparue soudainement, rien n'a été calculé par Eddy Milton. Il a eu des visions aussi, j'en suis persuadé. SUZANNE Des visions qui lui auraient montré qu'Horace Carter le bernait financièrement depuis des mois. Des visions qui se seraient produites deux fois au même endroit, ici dans cette plaine, en 1968 et aujourd'hui... un Don Frank, créé artificiellement par une force inconnue... FRANK Dites-le, c'est ça qui fait que nous sommes ici... Suzanne jette un regard ironique à Frank, qui ne rétorque rien. SMITH (n'ayant rien écouté de la discussion) Regardez, des hommes arrivent, ne bougez plus. Sept silhouettes masculines sortent de la forêt avoisinante et se dirigent vers le périmètre encerclé de bandes jaunes. Les ombres enjambent l'obstacle policier et marchent lentement vers le lieu où la police a retrouvé les cadavres la veille. Frank, Suzanne et Smith les surveillent de la voiture, garée plus loin. Les hommes inconnus commencent à donner des coups de pied dans la terre, puis grattent le sol comme s'ils cherchaient quelque chose. SUZANNE (chuchotant) Que sont-ils en train de faire ? FRANK (chuchotant) Ils fouillent la terre...qu'est-ce que ça signifie ? Suzanne fronce les sourcils sans rien dire. SMITH (assez intrigué) Je crois bien qu'on est tombés sur votre cercle mystique, ça alors... on procède à une arrestation ? Suzanne s'adosse à son siège en soupirant, les mains sur le volant. Elle esquisse un demi-sourire embêté et ouvre sa portière. SUZANNE Oui, on y va. Le lieutenant sort un revolver de son manteau et bondit de la voiture, suivi de Frank et Suzanne qui se mettent à courir en direction des ombres. La caméra les filme à l'épaule et tremblante. Smith hurle. SMITH (criant) Police, rendez-vous nous sommes armés ! SUZANNE (criant) Frank ! Sur le côté ! Les sept hommes relèvent la tête et partent dans tous les sens, éclairés par la lune. Frank et Suzanne poursuivent les silhouettes et sautent par dessus les bandes jaunes mais les hommes se dispersent et s'éparpillent vers la forêt à grande vitesse, trop vite pour pouvoir les stopper. Après quelques dizaines de mètres Frank ralentit sa course et fait signe à Suzanne et au lieutenant Smith de laisser tomber. En vue subjective, Frank reconnaît l'homme noir au nœud-papillon courant avec les autres individus ; il entrouvre sa bouche et le regarde fuir au loin. SMITH (rageant) Et merde, ces salauds courent vite ! SUZANNE (agacée) Rangez votre arme lieutenant, ce ne sera pas pour cette fois... SEQUENCE 13 - FORÊT DE BOISE - EXT. NUIT L'un des sept hommes en fuite court en haletant à travers les bois, balayant du bras les branches se trouvant sur son chemin. Il se heurte soudain à un homme posté au milieu qui l'agrippe alors fermement par les épaules. Il s'agit de Peter Watts, le visage inexpressif. PETER Du calme. SEQUENCE 14 - CAMPAGNE DE BOISE - EXT. NUIT Vue sur Frank rouvrant la portière de la voiture. Il s'apprête à s'asseoir quand quelque chose au loin attire son regard. Il se redresse en faisant un signe de la tête à Suzanne, interloquée. C'est Peter Watts qui sort de la forêt, poussant devant lui l'un des fuyards tout en lui tenant les bras liés dans le dos. Frank étonné de la présence de son ancien collègue, écarquille les yeux sans rien dire alors que Peter pousse indifféremment le suspect contre le capot de la voiture. PETER Lieutenant, passez les menottes à cet homme pour que Millennium puisse l'interroger au commissariat. SMITH Hum, très bien... Le lieutenant Smith plaque l'homme sur le capot tandis que Suzanne dévisage Peter et son blouson noir avec un air frustré. Peter lui jette un regard dédaigneux puis se retourne vers Frank. PETER (avec un sourire froid) Est-ce que ça va ? Frank fronce les sourcils et approuve d'un hochement du menton sans oser poser de questions. La caméra filme Suzanne de dos, bras croisés et qui s'est appuyée contre la voiture. SUZANNE (OFF) Peut-on savoir ce que vous faites là, Watts ? PETER Pour quelqu'un qu'il m'ait seulement arrivé de croiser dans les couloirs, vous retenez drôlement bien mon visage. A moins que le Doyen ait déjà un dossier sur moi, c'est bien ça ? SUZANNE (vexée) Qui vous a permis de venir ici ? PETER C'est un travail difficile, superviser les consultants, c'est la première fois que l'on vous charge de ça... SUZANNE Veuillez vous en aller d'ici... Frank intervient. FRANK Suzanne, Peter sera utile à l'enquête, il est hors de question qu'il reparte maintenant. La discussion est coupée nette par les hurlements du suspect sur le capot. Il bouge dans tous les sens, menottes aux poignets, s'agitant convulsivement comme pris de terreur. Le lieutenant Smith le secoue. SMITH Tiens-toi tranquille nom d'un chien ! LE SUSPECT (pleurant et criant) Il n'est plus là ! Il n'est plus là ! Il a disparu ! Frank regarde Peter avec un air interrogateur. Ce dernier ne dit mot, puis se met à fixer avec dureté Suzanne qui baisse ses yeux vers le sol. SEQUENCE 15 - COMMISSARIAT DE BOISE - INT. NUIT Vue sur un petit poste téléphonique noir. Suzanne est au téléphone, elle regarde souvent autour d'elle pour vérifier que personne ne l'entend. Au bout du fil parle le Doyen, assis dans son bureau au QG du Groupe Millennium. SUZANNE Nous avons fait une erreur en tardant à procéder à la récupération. Nous visions la sécurité mais nous avons eu l'effet inverse. Nos rivaux sont passés avant nous et la chose n'est plus là. LE DOYEN Il faut absolument le récupérer, vous savez comme moi qu'il représente un raccourci unique pour notre finalité... SUZANNE Les possibilités seraient infinies. LE DOYEN Nous n'avons menés aucun de ces projets à terme, la dernière fois ils s'étaient approprié celui de l'Alaska avant nous... SUZANNE Les membres concernés du Conseil et moi-même oeuvrons pour notre réussite, nous faisons tout notre possible pour les localiser. Autre chose... Peter Watts est sur les lieux, ça n'était pas prévu. Le Doyen sort un livre d'un tiroir de son bureau et l'ouvre devant lui tout en continuant à parler. LE DOYEN (les yeux à demi-clos) Oui, Peter est dans l'Idaho avec vous. C'est un bon moyen d'essayer de lui redonner foi en nous, ne vous comportez pas de travers avec lui. Il ne doit surtout pas devenir un ennemi du Groupe. SUZANNE (souriant) Par quel procédé l'avez-vous convaincu de se mêler de ça ? LE DOYEN En faisant circuler une rumeur comme quoi Frank Black avait besoin d'aide sur cette affaire. Un fax prétendument envoyé par Roméo Luther et notre ancien superviseur s'est laissé abuser. Mais peu importe, vous savez ce qu'il vous reste à faire... SUZANNE Si vous le permettez, j'aimerais dire la vérité à Frank sur cette affaire. Il ne mérite pas d'être tenu dans l'ignorance. LE DOYEN (les yeux pensifs) C'est vous qui tenez les rennes. Votre dévouement au Groupe est une chance pour nous, et je l'admire. SUZANNE Je vous tiens au courant. Le Doyen raccroche doucement le combiné et regarde le livre. L'objectif fait un gros-plan sur une page, ornée du dessin d'un ange en robe bleue sonnant de la trompette. LE DOYEN (soupirant) Maintenant, il ne faut plus échouer. SEQUENCE 16 - COMMISSARIAT DE BOISE, BUREAU DU LIEUTENANT SMITH - INT. NUIT Frank et l'homme arrêté dans la plaine sont face à face, assis sur une chaise et séparés par plusieurs mètres de moquette noire. Peter est appuyé contre le bureau à l'arrière, les bras croisés. Les volets sont fermés, une faible lumière tamisée éclaire la pièce. Frank se penche un peu en avant sur sa chaise. FRANK Je vous répète ma question, que faisiez-vous avec tous ces hommes là où Horace Carter et Eddy Milton sont morts ? LE SUSPECT (perturbé) Je n'ai rien fait, je n'ai tué personne ! FRANK D'accord. Vous êtes membre d'un groupuscule religieux, d'un cercle d'esprit n'est-ce pas ? Que faisiez-vous en pleine nuit sur les lieux du crime ? LE SUSPECT (surexcité) Arrêtez avec vos questions, je n'ai rien fait de mal ! Frank croise ses mains sur ses genoux en inspirant fort. Peter décroise ses bras et esquisse un sourire presque angoissant. PETER Qu'est-ce qui est enterré là-bas ? Le suspect se retourne vivement vers Peter qui le dévisage avec agacement. Frank ne comprend pas ce que son acolyte veut dire. PETER (continuant calmement) Sur le lieu des meurtres, sous les herbes égratignées. Qu'est-ce qu'il y a d'enterré et qui justifie votre discrétion nocturne ? LE SUSPECT (hésitant) C'est... nous l'avons nommé Adam. La caméra montre le visage de Peter ennuyé et inintéressé. Frank lui, semble intrigué et ses yeux s'ouvrent plus nettement. FRANK Adam ? Qui est-ce ? C'est lui que vous cherchiez dans le sol ? LE SUSPECT C'est notre objet de culte. Des ossements, les restes d'une créature céleste dont vous n'avez même pas idée. Elle peut nous offrir des pouvoirs magiques et nous faire accéder aux secrets de l'âme humaine. FRANK (se mordant la lèvre) Ce... squelette enterré sous la terre de la plaine vous donne le don de lire dans les pensées, de voir la face sombre des gens, c'est ça ? LE SUSPECT Oui et son pouvoir n'a pas de limites. C'est pour cela que nous le vénérons, Adam nous offre les contrées supérieures. Nous tenions sa présence secrète depuis environ huit mois quand nous l'avons découvert, mais il est enterré là depuis des siècles... Frank passe son pouce sur sa joue en regardant Peter comme pour lui demander ce qu'il en pense. FRANK Tout à l'heure vous avez dit que cette chose, votre dieu, avait disparu... LE SUSPECT Oui, nous n'avons pas ressenti son aura magique. Quelqu'un nous a trahi et l'a dérobé... Peter est soudainement interloqué par les mains de l'homme questionné ; en vue subjective l'on voit un petit signe rougeâtre gravé sur son poignet. Peter bondit en avant et attrape violemment la main de l'homme en remontant la manche de son pull jusqu'au coude. Frank se lève brusquement. FRANK (surpris) Pete ? ! LE SUSPECT (se tortillant) Mais enfin lâchez-moi, qu'est-ce que vous faites ! La caméra fait un gros-plan sur le tatouage rouge gravé sur le poignet du suspect. C'est une croix uniforme aux traits ronds et aux quatre branches identiques. Peter semble stupéfait, son front devient humide. PETER (la voix rude) Qu'est-ce que... qui vous a fait ça ? LE SUSPECT (dégageant sa main) Ca ne signifie rien, arrêtez ! Je ne suis coupable de rien ! FRANK (perdu) Peter, enfin qu'est-ce que c'est ? Peter saisit à nouveau le bras de l'homme membre du cercle secret et le regarde avec fermeté. PETER Il ne vous arrivera rien, nous allons vous relâcher. A condition que vous nous donniez le nom de celui qui a gravé ce signe sur votre poignet. Comment il s'appelle ? LE SUSPECT Ca n'a aucun sens pour moi, il a fait ça pour me remercier soit-disant, mais j'y comprends rien ! FRANK Aucune information ne sera superflue, votre objet de culte a coûté la vie à trois hommes, il peut être une arme et nous devons le retrouver avant l'irréparable, dites-nous ! LE SUSPECT (tremblant) C'est... le dernier arrivé dans notre petite communauté... il nous a tous marqués de cette croix au poignet. Il s'appelle Hector... Hector Pérégrine, ça fait peu de temps qu'on le connaît je ne sais rien ! FRANK (cogitant) Un homme noir, n'est-ce pas ? Le type approuve d'un geste de la tête. Peter prend un visage moins dur et sourit à demi à l'homme un peu fatigué. PETER Excusez-nous, vous pouvez partir. Le suspect interrogé grommelle quelques mots inaudibles en se levant puis part du bureau avec empressement. Frank scrute Peter du bout de la pièce durant dix secondes de silence. FRANK C'est quoi, ce signe ? PETER (regardant le sol) Mmm c'est... un sigle, un blason mérovingien... Sans poursuivre, Peter prend son blouson sur la chaise et se dirige vers la porte d'un pas décidé. Frank le rattrappe et se poste devant lui ; leurs visages sont à peine éclairés par la faible lueur de la lampe du bureau. FRANK Hé, qu'est-ce que tu fais ? PETER J'ai quelque chose à faire, Frank ne t'inquiète pas pour ça. FRANK Je croyais que tu voulais te tenir à l'écart du Groupe. PETER (mordant sa lèvre) C'est le cas. FRANK (un peu énervé) C'est quoi cette affaire pour nous ? ! PETER Ecoute, quoi que le Conseil puisse te dire : ils savent où vous mettez les pieds en ce moment. Le Groupe Millennium sait à quoi s'attendre... Peter tape amicalement l'épaule de Frank puis le contourne pour sortir du bureau, sans que Frank ne réagisse. La caméra fait un plan fixe de la pièce où Frank stagne debout, sans rien dire et dans une obscurité de plus en plus prononcée. FONDU AU NOIR. ACTE 3 SEQUENCE 17 - HOTEL SERAPHINOS, BOISE - INT. JOUR Vue sur Jordan devant la glace de la salle de bain. Elle se lave les dents tout en se frottant les yeux et en glougloutant. Jordan sort de la salle de bain brosse à dents à la bouche et arrive dans la chambre éclairée par la lumière matinale. Les lits sont défaits, Frank s'est installé à une petite table à côté. L'objectif filme par dessus l'épaule de Frank puis fait un gros plan sur le rapport policier qu'il épluche. Il lit en voix off : FRANK (OFF) L'analyse de la terre récoltée sur les lieux du crime indique un second dépôt. Le sable classique a été recouvert de terre industrielle, probablement dans le but de reboucher un trou... Jordan surgit derrière son père en s'appuyant sur son dos. JORDAN (criant) Bouh ! Frank sursaute et se retourne vers Jordan qui sautille dans son pyjama. Il lui sourit en enlevant lentement ses lunettes de lecture. FRANK (souriant) Je crois que tu t'es assez lavé les dents pour ce matin, non ? JORDAN (brosse dans la bouche) Ch'est pou qu'elles choient propes ! FRANK Elles sont très propres, c'est certain. JORDAN Pas achez ! FRANK La garderie est fermée aujourd'hui, tu vas devoir rester avec moi. Une beauté aux dents blanches comme toi peut bien m'accompagner ? JORDAN Oui. FRANK Bien. JORDAN (enlevant la brosse de la bouche) Pourquoi tu ne me laisses plus chez grand-père et grand-mère ? Frank s'accoude à la table en soupirant. Il hausse les sourcils puis fait une grimace embêtée à sa fille. La caméra fait un gros plan sur ses doigts tapotant le rapport policier convulsivement. FRANK (hésitant) Jordan, tu sais... que ton grand-père et moi... depuis... on ne s'entend plus comme avant. A cause de ce qu'il s'est passé quand maman est morte... je ne veux pas te laisser à tes grand-parents, ça n'est pas possible... Jordan scrute son père sans rien dire. FRANK (continuant) Tu... tu vois ce que je veux dire ? Tu pourras aller chez ton oncle quand je serai absent mais... Alors qu'il parle, Jordan court sans crier gare dans les bras de son père qui manque de tomber en arrière. Frank se fige, le visage surpris. JORDAN Je veux rester avec toi. Frank entrouvre sa bouche puis serre sa fille contre lui, visiblement ému. Il commence à sourire malgré son apparente détresse. FRANK (souriant) Hé, bien sûr que tu vas rester avec moi ! Personne d'autre que moi ne pourra avoir ta garde Jordan, ça va bien se passer... Une petite vibration se fait entendre, Jordan lâche Frank qui se retourne vers la table où son beeper noir tournoie discrètement. Frank saisit le beeper et scrute le chiffre 2000 qui orne son écran digital. Il se lève et l'accroche à sa ceinture. FRANK Habille-toi ma puce, on doit partir. JORDAN Tu dois parler à la dame avec qui tu travailles ? FRANK Oui. Allez, allez, qu'est-ce que tu attends ? JORDAN Elle se force à sourire quand elle est avec toi... Frank dévisage Jordan avec un air interloqué, tout en prenant son blouson sur une commode à côté du lit. FRANK (souriant) C'est de Suzanne que tu parles ? C'est quoi cette histoire ? JORDAN Elle veut pas être gentille avec toi, elle veut pas tout te dire. Frank inspire un grand coup en clignant des yeux. Il finit par frotter affectueusement les cheveux de sa fille avec sa main sans rien dire. SEQUENCE 18 - UNIVERSITE DES SCIENCES NATURELLES DE BOISE - EXT. JOUR Vue sur un bâtiment blanc et luxueux. Frank et Jordan marchent main dans la main dans le parc bordant l'édifice. SEQUENCE 19 - UNIVERSITE DES SCIENCES NATURELLES DE BOISE - INT. JOUR Frank et Jordan montent les escaliers blancs du premier étage. En vue subjective, nous voyons accroché à un mur la grande fresque de l'évolution à travers les âges. Arrivé en haut des escaliers, Frank la regarde, l'air sérieux. JORDAN (OFF) C'est quoi papa ? FRANK (désignant le graphique du doigt) Et bien... ce sont des... transformations réparties sur des milliards d'années. Au début nous étions cette petite chose, cette cellule dans l'océan, et puis hum... finalement tu es devenue une petite fille, parce que sinon tu ne pourrais pas survivre, c'est... compliqué, ça s'appelle la sélection naturelle... JORDAN (faisant une grimace) Tu en sais des choses ! FRANK (souriant) Oh non chérie, je ne sais rien du tout. Un toussotement résonne soudain dans le couloir blanc, Frank se retourne rapidement, sa main posée sur la tête de Jordan. Une femme blonde en blouse blanche les regarde, un sourire accueillant aux lèvres. GWEN Bonjour, Gwen Hampton, une Suzanne McCarlton m'a dit que vous viendriez. Si vous le permettez, je peux vous emmener où votre collègue vous attend ? FRANK Je vous remercie nous vous suivons, j'étais en train de montrer ce graphique à ma fille... GWEN C'est juste au bout du couloir, et je dois dire que je ne suis pas mécontente de vous voir, votre partenaire est vraiment intenable... Frank ouvre de grands yeux ronds, étonné. Gwen se met à marcher vers un couloir plus sombre, suivie par Frank et Jordan. La petite regarde tout autour d'elle en serrant son sac rose contre elle. FRANK (scrutant en marchant d'autres fresques) Vous êtes biologiste ? GWEN (hochant la tête) Paléontologue de formation. Le Darwinisme n'explique pas tout, loin de là. L'adaptation aux environnements à travers la sélection est un principe vérifiable, mais cette théorie dominante n'est pas en mesure d'expliquer les changements biochimiques du monde microscopique parcellaire. La présence d'un objectif originel est à petite échelle totalement constatable. Reste à savoir qui ou quoi a décidé de commencer le long travail de l'évolution par cette petite cellule à gauche du graphique. FRANK (haussant les sourcils) Il m'arrive de me questionner à ce sujet, en effet. GWEN (inintéressée) Et avez-vous trouvé les réponses à vos questions ? FRANK Non. GWEN (riant) Alors votre quête est celle de chaque être humain. Frank jette un œil à sa fille, qui semble fascinée par l'endroit. FRANK Il paraît que vous avez quelque chose à nous montrer. GWEN Oui. Cette nuit le laboratoire universitaire a reçu un coup de fil anonyme nous indiquant la présence d'ossements étranges dans un garage industriel situé près d'ici. Les os y étaient bel et bien, nous les avons donc ramenés et les études se poursuivent... Gwen s'arrête devant une porte bleue à l'extrémité du couloir. FRANK (intrigué) Des ossements de quoi ? GWEN J'aurais du mal à vous répondre, je vous en prie entrez... Elle ouvre la porte et laisse passer Frank et Jordan. En vue subjective l'on voit un panorama de la pièce : une salle d'analyses médicales, entourée de microscopes, de bocaux, de tubes transparents. Au centre de la pièce réside une longue table d'opération en fer sur laquelle repose le buste d'un squelette difforme, recouvert de terre et de poussières. Jordan se cache derrière son père, qui avance doucement vers les restes, stupéfait et presque choqué. Une longue aile cartilagineuse, soutenue par les os brisés du dos de la chose, dépasse de la table métallique. Roméo Luther est près des ossements, il les regarde pensivement alors qu'une petite radio derrière murmure quelques notes : la chose n'a plus de tête ni de jambes, seulement un buste entier, un bras et une aile. FRANK (bafouillant) Que... je m'attendais à voir Suzanne ici, pas vous... ROMEO (faisant des gestes avec les mains) Elle vient de partir il y a quelques minutes. Elle portait un ensemble d'un érotisme trop prononcé pour mes yeux d'enfant innocent. Remarquez, ces ossements sont pas mal aussi, ça impressionne. Roméo se penche vers Jordan en souriant et lève sa main pour qu'elle la tape. La petite tape la main de Roméo avec maladresse, mais il jubile. ROMEO (tout content) Ouais, bien joué princesse ! FRANK (ne détournant pas ses yeux du squelette) Luther, qu'est-ce que ça veut dire ? ROMEO Je suis là pour calmer le jeu d'office, on sait combien les membres du Groupe s'emballent facilement. Ca, c'est une supercherie, un canular encore plus nul que celui de l'alien de Roswell. Mais je l'avoue, le gars qui a manigancé ça l'a bien fait. Mademoiselle Hampton... oups, ma chère Gwen, expliquez à monsieur Black ce que vous m'avez dit... Gwen Hampton soupire en regardant Luther, qui lui fait un sourire charmeur. Elle se retourne vers Frank et lui parle tout en consultant des documents, pendant que Jordan fait le tour de la table d'opération. GWEN Pas grand-chose à en dire pour le moment, la datation au carbone est en cours. Je peux seulement vous dire que physiologiquement ça ressemble fort à un être humain de petite taille, si l'on excepte certains os moins...conventionnels. Acide nucléique en bon état, mais détermination impossible de la nature gonosomique, qui... Elle est coupée par le regard interrogateur de Frank, qui ne semble pas comprendre ce qu'elle dit. Roméo sourit et tapote gentiment l'épaule de Gwen en lui faisant un clin d'œil. ROMEO Vous pourriez nous laisser seuls ? La paléontologue ne rétorque rien et sort de la pièce, agacée. Frank croise ses mains devant son blouson en scrutant Roméo. ROMEO (rêveur) Je crois que j'ai un ticket...bon, pour résumer elle était en train de dire que cet individu est asexué. Impossible de lui attribuer un sexe à partir des données sanguines, alors soit c'est un insecte géant venu d'une autre planète, soit c'est du matériel génétiquement modifié. Je vous laisse deviner pour quelle théorie je penche. FRANK (plissant un œil) Alors c'est ça ? Ce qu'ils appellent Adam... ROMEO Ils pourraient l'appeler Tom Cruise que ça n'y changerait rien, c'est une arnaque, et j'entends bien le démontrer aux agités de Millennium. D'ailleurs on est à côté des ossements, et pourtant on a pas de visions magiques dans la cervelle, n'est-ce pas ? FRANK (très sombre) C'est vrai, ça n'est pas logique. ROMEO (souriant) Ouais ! Dites, ça vous arrive de sauter de joie de temps en temps ? Frank regarde Jordan tourner autour du squelette sans rien dire, presque émerveillée. Il fait un signe de tête à Roméo. FRANK Venez avec moi dans le couloir une minute, Luther. Jordan, ne bouge pas de là et ne touche pas aux os, d'accord ? JORDAN (enchantée) D'accord ! SEQUENCE 20 - UNIVERSITE DES SCIENCES NATURELLES DE BOISE - INT. JOUR Vue sur Frank dans le couloir refermant la porte bleue. Il se retourne vers Roméo, qui appuie son épaule contre le mur en se frottant le menton. Frank soupire. FRANK (gêné) C'est à propos de Suzanne... Roméo place ses mains dans les poches de son pantalon sans rien dire. FRANK (continuant) Jordan...est très sensible et...elle m'a dit que Suzanne n'était pas digne de confiance, qu'elle n'était pas sincère avec nous... ROMEO (regardant le sol) Votre fille a connu un lourd traumatisme quand sa mère est morte. Si elle ne semble pas apprécier McCarlton, c'est uniquement parce qu'elle n'est pas prête à voir une autre femme fréquenter son père, n'allez pas chercher plus loin. C'est tout naturel de la part d'un enfant. Qu'il soit sensible ou non. Frank hoche la tête et adresse un demi-sourire à Roméo qui lui, reste plutôt froid, le dos au mur et les jambes croisées. FRANK Vous pensez quoi d'Adam, de ces ossements ? ROMEO Je vous l'ai dit, selon moi ils sont faux. Il s'agit des restes d'un hominidé ayant souffert d'une ostéogénèse anormale, quant à l'aile c'est de fabrication scientifique. Franchement, je crois surtout que quelqu'un essaie de nous faire tourner en bourrique... FRANK Je crois que vous avez raison. C'est certainement une supercherie mise en œuvre afin de ridiculiser le Groupe. ROMEO (souriant) Quel dommage Frank que ça n'ait pas été une créature céleste venue tout droit des nuages, n'est-ce pas ? Frank n'a pas le temps de répondre à Roméo que soudain dans la pièce adjacente Jordan se met à hurler convulsivement. Les deux hommes se regardent une fraction de seconde et défoncent quasiment la porte bleue pour rentrer de nouveau dans la salle d'analyses. Jordan est couchée sur le sol, recroquevillée dans un coin. Elle s'agite dans tous les sens en criant de terreur. Frank accourt, se jette au sol et la prend dans ses bras. FRANK (inquiet) Jordan ? Jordan ! Qu'est-ce qu'il y a ? ! JORDAN (terrorisée) Papa, s'il te plaît ! S'il te plaît ! La caméra filme les yeux apeurés de Jordan. S'ensuit un plan de vue subjective où la petite a une vision d'un ange étincelant avançant lentement vers elle : un ange sans visage vêtu de blanc et entouré d'un halo lumineux. Ni Frank ni Roméo ne semblent voir quoi que ce soit. ROMEO (grimaçant pour tenter de calmer Jordan) Hé, tu as vu j'arrive à me tordre la bouche sur le côté comme ça ! JORDAN (convulsive) Papa, regarde, regarde-le ! Il brille partout ! Jordan continue à se débattre dans les bras de son père et se met à pleurer tout en criant. Frank semble paniqué, il tente de lui frotter les épaules pour l'apaiser sans succès. La vision de l'ange qui terrifie la petite finit par s'estomper peu à peu mais Jordan ne cesse de pleurer. FRANK (s'adressant à Luther) S'il vous plaît, allez chercher un médecin ! ROMEO (faisant un pas en arrière) J'y vais de suite. Roméo fait demi-tour, fracasse la porte et se met à courir dans le couloir. Il s'arrête soudainement comme perturbé, le visage en sueur, puis tombe genoux au sol en haletant. De furtives et violentes visions viennent l'assaillir alors qu'il se frotte agressivement le visage : une fumée noire qui monte dans le ciel et des cris d'enfants des hommes en blouson bleu qui courent dans la rue. Roméo semble particulièrement choqué. Il essaie de récupérer son souffle et dans un effort de ressaisissement, se relève et reprend sa course le visage blême et décontenancé. SEQUENCE 21 - ZONE NORD DE BOISE - EXT. JOUR Vue sur un taxi jaune se garant près d'un trottoir. Hector Pérégrine en sort, remettant en place son nœud-papillon. Il marche dans la rue sous un ciel bleu et tourne à un croisement en vérifiant que personne ne le suit. Il finit par rentrer dans un immeuble. SEQUENCE 22 - IMMEUBLE INDETERMINE, BOISE - INT. JOUR Hector marche dans le hall sombre en direction de l'ascenseur. Il presse sur le bouton quand une voix située derrière lui l'interpelle. Il se retourne immédiatement vers Peter. PETER Hector Pérégrine je présume ? Je suis Peter Watts. HECTOR (méfiant) Nous nous connaissons ? PETER Non. Mais nous avons les mêmes interrogations. Dites-moi...cet ange enterré sous la terre, il est capable de provoquer le Don de vision ? HECTOR Qui êtes-vous ? PETER (très sérieux) Je suis... j'étais... membre du Groupe Millennium. Mais vous savez qui nous sommes, moi je sais seulement que vous êtes un espion au service du Vatican, je me trompe ? HECTOR (souriant) Millennium... la Famille et votre groupe faisaient du bon travail ensemble avant que l'inévitable scission ne se produise. Désormais la Famille, mon clan, n'est plus... PETER ...Alors les derniers hommes de la Famille mérovingienne sont devenus des agents du Vatican. En quoi s'intéres- sent-ils à cette affaire ? HECTOR Vous connaissez déjà toute la vérité. Hector pouffe de rire et exhibe son poignet devant le visage de Peter. Il est marqué de la croix rouge des mérovingiens. HECTOR (continuant) Ils m'ont envoyé ici afin de m'infiltrer dans le cercle de culte et de dérober l'Adam N°6. Il y en a d'autres, ça n'est pas la première opération menée par nos soins, mais ce squelette-ci a connu un destin particulier : fin 1968, une période d'intense sécheresse s'abat sur la région et étouffe les pouvoirs de la chose, pendant une trentaine d'années. Le puissant seïsme qu'a connu l'Idaho il y a environ un an a fait remonter les ossements à la surface et leur a redonné tout leur aura magique... PETER (plissant les yeux) Votre nouveau Graal... HECTOR (ironique) Alors monsieur Watts, c'est quand la fin du monde déjà ? Oh, suis-je bête, c'est pour le douzième coup de minuit du 31 décembre 1999 bien entendu ! Attention les aiguilles tournent... PETER C'est un point de vue défendable. HECTOR (souriant) Et par quel type de cataclysme allons-nous être anéantis selon Millennium ? PETER Nous survivrons. Le bruit de l'ouverture des portes de l'ascenseur se fait entendre. Peter et Hector se retournent vers Suzanne, qui sort de la cabine mécanique avec un pas lent et mesuré. SUZANNE (étonnée) Qu'est-ce qu'il se passe ici ? PETER McCarlton, pourquoi est-ce que Frank ne vous accompagne pas ? SUZANNE (écarquillant les yeux) Watts, je ne compte pas vous autoriser indéfiniment à vous mêler de ce dossier. Le temps presse, dites-moi où est l'ange déchu. PETER (désignant Hector) Posez donc vos questions à l'envoyé du Vatican. Mais sachez que si les dirigeants de Millennium mettent la main sur ces ossements, ils auront le pouvoir d'octroyer le Don à n'importe qui. SUZANNE (s'énervant) Le Conseil veut sauver des vies, c'est tout ce qu'il souhaite ! Où se trouve Adam ? HECTOR Nous l'avons livré à l'université, il s'agit des restes de la créature authentique. Au Vatican nous avons tout intérêt à ce que la chose soit médiatisée afin que la parole de l'Eglise soit enfin reconnue, alors nous vous la confions. Adam est vôtre. PETER Mensonge. SUZANNE Non, monsieur Pérégrine dit vrai. Jordan Black et Roméo Luther ont eu des visions au contact des ossements conservés à l'université, c'est bel et bien l'ange de la plaine... PETER La Famille a toujours été le clan des affabulateurs, ses héritiers sont de la même veine. HECTOR Vous ne pouvez nier le fait que l'ange que je vous ai remis a des pouvoirs, vos amis en ont fait l'expérience. Je suis de bonne foi, l'avenir vous appartient. Hector sourit exagérément puis se retire vers l'ascenseur sans plus rien ajouter. Il presse un bouton et dévisage Peter avant que les portes ne se referment avec un bruit sourd. La caméra fait un plan de Peter et Suzanne se tenant côte à côte dans le hall tapissé de rouge bordeaux. PETER Il ment. SUZANNE Oui. Mais il valait mieux simuler d'y croire pour pouvoir le faire surveiller, lui et son chef. C'est ce que nous faisons. PETER (intrigué) Son chef ? SUZANNE Quelqu'un que nous connaissons bien... FONDU AU NOIR. SEQUENCE 23 - GARAGE INDUSTRIEL, BOISE - INT. NUIT Vue sur un énorme tracteur orangé et rouillé. Le plan s'élargit pour montrer que le tracteur siège dans un gigantesque garage sombre et poussiéreux, seulement éclairé par quelques spots grésillants et jaunes accrochés très haut au plafond gris. Hector Pérégrine marche patiemment au centre de l'immense garage, dans l'attente de quelqu'un. Soudainement une ombre déboule de nulle part et marche en direction d'Hector, une mallette en main. La silhouette s'arrête sous un halo de lumière : c'est Cheryl Andrews. HECTOR (souriant) Vous n'avez pas l'air euphorique. CHERYL Tout dépendra des nouvelles que vous avez à me donner. HECTOR Il est dans le caisson hermétique en acier. Il n'y a plus qu'à le faire transporter et notre tâche sera terminée... CHERYL (clignant des yeux) Nous ne pouvions pas décevoir vos supérieurs, nous devions nous emparer d'Adam afin de mériter leur confiance. Je n'oublierai pas ce que l'autorité vaticane a fait pour me sortir de la délicate situation dans laquelle Millennium m'avait mise... HECTOR Les vieillards sont satisfaits de votre travail... CHERYL La récompense sera donc à la hauteur de la tâche. HECTOR (s'approchant plus près) Déjà le sixième squelette pour nous. Le premier pour Millennium n'est qu'un misérable déchet artisanal posé sur une table d'opération. Je ne pensais pas pouvoir leurrer aussi facilement l'ancienne moitié de la Famille, Andrews. Cheryl reste silencieuse quelques secondes, les yeux posés sur le sol. Une étendue d'ombre cache un instant son visage. CHERYL (souriant) Ah j'oubliais ! Je dois vous donner les dossiers relatifs à l'affaire, ils sont dans ma mallette... Hector approuve de la tête et s'approche de Cheryl, qui ouvre sa mallette et farfouille à l'intérieur. L'objectif fait alors un gros-plan sur la main de Cheryl qui retire une arme à feu de la mallette noire. Elle pointe soudainement l'arme vers Hector. HECTOR (paniqué) Andrews qu'est-ce que...si vous faites ça vous retournerez entre les quatre murs où plein voudraient vous voir mourir ! CHERYL (le pistolet levé vers Hector) Etant donnée votre incompétence, ils auraient fini par vous abattre de toutes manières. Et vous parlez du Groupe Millennium ? Qui pensez-vous avoir leurrés, nos ennemis savent déjà tout... HECTOR (faisant un pas en arrière) Le Vatican a toujours sous-estimé le Groupe et j'ai été formé selon leur bon vouloir, lâchez cette arme nom d'un chien ! CHERYL (plissant un œil) Imbécile ils ont dû vous faire surveiller, finissons-en, la suite du voyage se fera sans vous... La caméra filme un instant le visage suant d'Hector Pérégrine. Puis soudainement elle fait un plan fixe du plafond gris aux spots étincelants. Un coup de feu retentit et résonne dans tout le garage. Vue sur une porte rouillée. Cheryl la pousse et entre dans une pièce extrêmement sombre. Elle saisit sa lampe-torche et éclaire le fond de la pièce un peu au hasard. Un caisson en acier d'environ trois mètres de long et deux mètres de haut est posé sur le sol, entouré de restes de terre sèche. Cheryl scrute le caisson en fronçant les sourcils. FONDU AU NOIR. ACTE 4 SÉQUENCE 24 - Q.G. DE MILLENNIUM - INT. JOUR Le Doyen est assis derrière son bureau. Il parle à un groupe de trois ou quatre hommes dont on ne distingue que les nuques. Le Doyen a l'air grave. Il a un stylo dans la main qu'il ne cesse de faire tourner entre ses doigts, nerveusement. En fait, il y a un contraste étonnant entre le son déterminé de sa voix, et la posture de contrariété et de résignation qu'il a prise derrière son bureau. DOYEN Nous ne nous devons pas nous voiler la face. Nous sommes confrontés à une conspiration extérieure. On essaye de nous abreuver de mensonges, de nous voiler certaines vérités. On nous prend pour des imbéciles, en vérité. Ses deux mains se rejoignent et tiennent maintenant toutes deux fermement le stylo dont elles font jouer le système de fermeture à vis. DOYEN On nous a servi un squelette factice, une chimère biochimique dont nos adversaires ont cru qu'elle résisterait à l'expertise du Groupe. C'est d'autant plus affligeant qu'ils aient pu croire une telle chose que nous connaissons maintenant la nature des complicités dont ils ont bénéficié... Soudain, le plastique du stylo cède à la pression exercée par les mains du Doyen. Celui-ci s'interrompt et contemple un instant, immobile et en silence l'outil brisé, dont chacune de ses mains tient une partie, et qui s'est répandu en quelques autres fragments sur son bureau. Il jette le stylo dans une corbeille, et balaye le bureau du revers de sa main. DOYEN Cette traîtresse infâme a cru pouvoir nous berner à l'aide du génie génétique et de quelques substances chimiques puissantes. Ce que je vous demande aujourd'hui, c'est de lui faire mesurer l'ampleur de son erreur. Elle a pu échapper une fois à la colère du Groupe provoquée par sa trahison. Je compte sur vous pour réparer cette erreur de manière définitive. Le Doyen regarde les hommes un par un, comme pour les évaluer, puis il leur fait comprendre du regard que la conversation est terminée. Alors que les autres commencent à se lever, un reste assis et sa voix s'élève timidement: L'HOMME Et... et le Conseil ? DOYEN (menaçant) Le Conseil n'en saura rien ! Et s'il l'apprenait, il se rangera à ma décision ! SÉQUENCE 25 - HÔTEL DE FRANK - INT./EXT. SOIR Les stores sont baissés, et la pénombre règne dans la pièce. Jordan dort dans le grand lit, sur le bord duquel Frank est assis. Son regard est plongé dans la contemplation du visage de sa fille, son attention entièrement focalisée sur elle. Doucement, il caresse son front, et joue du bout de ses doigts avec quelques mèches de cheveux bouclés qui viennent chatouiller les sourcils de Jordan. Tout à coup, quelques coups discrets se font entendre à la porte. Frank tourne la tête vers celle-ci, semble hésiter un instant, puis se lève. Plus que vraiment ouvrir la porte, il l'entrebâille, et découvre ainsi une portion du visage de Roméo, dont le visage est brillamment éclairé par un rayon de soleil très jaune. Frank plisse les yeux pour tenter de s'accommoder à la lumière dérangeante. Roméo s'adresse à lui en chuchotant. ROMÉO Ca va, Frank ? Frank fait oui de la tête. Roméo incline le visage pour réussir à à peine apercevoir la petite Jordan endormie sous les couvertures. ROMÉO Et Jordan, comment va-t-elle ? FRANK (il parle d'une manière un peu hachée) Bien. Elle va bien. Elle a simplement été très effrayée. Elle se repose. Elle dort depuis deux heures. Elle en a besoin. ROMÉO (inquiet) Vous êtes sûr que ça va, Frank ? Frank le regarde un instant droit dans les yeux avant de répondre. FRANK Oui, ne vous en faites pas, Luther. C'est juste que... tout cela fait remonter à la surface des événements... des choses... Vous n'étiez pas là. Vous ne pouvez pas comprendre. Roméo hoche la tête. Il a envie de savoir, mais il abordera le sujet une autre fois. ROMÉO Frank, est-ce que vous pouvez venir, s'il vous plaît ? Je dois vous parler. FRANK Non, je... Jordan... ROMÉO J'ai fait poster trois policiers aux alentours de la porte, et deux autres à l'entrée de l'hôtel. Vous n'avez pas d'inquiétude à avoir, Frank. Après un autre regard, et un autre instant d'hésitation, Frank ouvre la porte un peu plus grand et passe la tête. Il voit de chaque coté des policiers qui assurent la surveillance des lieux. Il finit par sortir de la chambre et referme délicatement la porte derrière lui. FRANK Ca m'embêterait de ne pas être là quand elle se réveillera. ROMÉO (souriant) Écoutez Frank, je viens vous apporter les résultats des expertises scientifiques opérées sur Adam. Évidemment j'avais raison. Frank lève un sourcil incrédule. Il attrape des mains de Roméo le dossier dans lequel se trouvent les résultats. ROMÉO C'est un alcaloïde hallucinogène s'apparentant à de la mescaline synthétique. FRANK Qu'est-ce que c'est que ça... ROMÉO La source des pouvoirs divins. C'est la substance chimique dont était recouverte le squelette. C'est ce qui a provoqué ce qui a fait si peur à la petite. Oui, je sais, le mythe du squelette de l'ange aux pouvoirs fantastique en prend un sacré coup. Disons qu'on tape plus dans la légende urbaine du savant fou qui veut se faire mousser en créant un monstre grâce aux miracles de la génétique. FRANK Tout a donc été créé de toutes pièces... ROMÉO Et plutôt bien pour ce qui est du squelette avec un surplus de cellules HLA sur plusieurs chromosomes. C'est une chimère génétique d'excellente facture, mais une chimère tout de même. D'ailleurs les datations établissent une ancienneté d'environ un siècle. Un peu juste pour un ange. FRANK Une arnaque. ROMÉO Sur toute la ligne. Comme quoi il est bon d'avoir avec soi un collègue avec les pieds bien sur terre, même dans les affaires aux apparences les plus mystiques. Je vous suggère de réserver un billet pour le premier vol pour Seattle. Ca fera du bien à Jordan de se retrouver dans un environnement familier. En discutant, Roméo et Frank se sont rapprochés de l'entrée de l'hôtel. Roméo jette un regard vers Frank, et remarque que son attention est ailleurs. Il suit son regard et tombe sur Suzanne et Peter qui marchent à leur rencontre. ROMÉO Ma parole ! C'est une vraie réunion de famille ! Il doit bien y avoir une dinde à manger quelque part dans cette ville. PETER L'instant n'est pas à la plaisanterie, Luther. Je ne crois pas que vous fassiez partie de Millennium en tant que clown de service. ROMÉO Une fois de plus, nos avis divergent. Avoir réussi à prouver une mystification grossière qui aurait berné le genre de fanatique religieux que vous êtes m'amuse beaucoup, personnellement. FRANK Luther... ROMÉO Mais tout cela ne répond pas à la seule vraie question sérieuse : qu'est-ce que vous faites ici Peter ? On m'a dit que depuis votre perte de foi dans le Groupe, vous cherchiez à relancer la carrière des Pink Floyd. Peter lui jette un regard sombre. PETER Vous n'avez pas tort, Luther. Pour moi, cette affaire s'arrête ici. Bonne chance pour la suite. Après avoir fait un salut de la tête à Frank, Peter tourne les talons et s'éloigne rapidement. FRANK (agité) Peter, attends ! SUZANNE Laissez, Frank. Nous n'avons pas le temps de nous soucier des états d'âme de Peter pour le moment. Ils vont nous filer sous le nez. FRANK Quoi ? De qui parlez-vous Suzanne ? SUZANNE Les ossements qu'on nous a présentés étaient des faux... Parce qu'ils ont gardé les vrais. Et ils vont leur faire évacuer le secteur ce soir, en passant par les montagnes. SÉQUENCE 26 - MASSIF ROCHEUX DE L'IDAHO - EXT. SOIR/NUIT Le soleil est passé derrière l'horizon. De son coté, des éclats roses et orangés colorent vivement le ciel, tandis qu'à l'opposé, les étoiles les plus brillantes sont installées dans le ciel d'un bleu profond. Le jour s'éloigne et les ombres englobent un camion citerne qui roule sur cette route de montagne étroite qui serpente vers le col. Des ombres qui servent aussi à dissimuler la voiture qui suit le camion à une centaine de mètres. Elle est conduite par Suzanne. Frank est assis sur le siège du passager, tandis que Roméo est assis au milieu de la banquette arrière, le buste vers l'avant, ses bras reposent sur les banquettes des sièges de Frank et Suzanne. ROMÉO C'est sympa cette balade en montagne. Par contre, Suzanne, vous n'êtes pas super forte pour le planning. A cette heure, c'est trop sombre pour profiter de la vue. SUZANNE Luther ? ROMÉO Oui, ma chère Suzanne ? SUZANNE Vous n'avez jamais envisagé de mener vos enquêtes bâillonné ? FRANK Vous ne nous en avez toujours pas dit plus sur ce que nous poursuivons. Suzanne lui jette un regard en coin. Elle semble réticente à parler. FRANK (le plus sérieusement du monde) Si vous parlez... il se taira. Roméo lui balance un coup de coude. ROMÉO (entre ses dents) Sale traître ! SUZANNE (après un soupir) Le squelette que vous avez vu était un faux grossier. Nos adversaires espéraient qu'il divertirait notre attention suffisamment longtemps pour qu'ils puissent nous soustraire le véritable Adam, celui qui a été déterré sur le lieu du crime. ROMÉO Et qui sont les méchants qui veulent du mal au très noble, très vertueux et gentil tout plein Groupe Millennium, cette semaine ? Suzanne lève les yeux au ciel, excédée. FRANK C'est une question pertinente. Suzanne lui décoche un regard noir. FRANK (souriant) ...en dépit de sa formulation quelque peu sujette à caution. SUZANNE Les employeurs d'Hector Pérégrine. Il s'est introduit dans la communauté des adorateurs d'Adam pour faciliter ses plans. FRANK ...qui étaient donc de s'approprier les restes de ce supposé Ange ? Vous ne nous avez toujours pas dit pour le compte de qui. SUZANNE Qui peut être intéressé par une telle chose ? Qui peut à la fois avoir foi en cette chose pour vouloir s'approprier son pouvoir, et en même temps craindre qu'il ne tombe en d'autres mains, qu'il serve d'autres desseins ?... FRANK Est-ce que vous suggérez... SUZANNE Bien sûr. C'est le Vatican qui a envoyé Hector Pérégrine, le rescapé de la Famille, ici. C'est le Vatican qui croit en ce pouvoir, et le veut pour lui, et qui a peur qu'en d'autres mains il ne serve à l'établissement d'un autre dogme, une autre religion qui pourrait affaiblir son pouvoir. C'est le Vatican qui ne fait pas suffisamment confiance au Groupe pour le laisser mettre la main sur une relique d'une telle importance. FRANK Pourquoi ? SUZANNE C'est un sujet que nous réserverons pour un moment où nous aurons le temps et la possibilité de nous lancer dans des discussions complexes et riches. Pour l'heure, je me contenterai de dire que l'Histoire pèse de tout son poids sur le Présent, à chaque instant. FRANK Hummm. Continuez... SUZANNE J'en étais où ? Ah oui... c'est le Vatican, enfin, qui a fait libérer Cheryl Andrews de la cellule où nous avions réussi à l'enfermer après qu'elle ait essayée de vous éliminer, vous et Peter. C'est lui qui a chargé la traîtresse de mener cette opération. Frank hausse un sourcil, mais ne dit pas un mot. A l'arrière, Roméo écoute goguenard, la bouche à demi ouverte. ROMÉO Putain, on m'a téléporté dans un soap-opera et on m'a même pas prévenu. SUZANNE Les données informatique de Pérégrine nous ont permis de découvrir qu'un échange aura lieu au sommet de cette montagne. Là-haut, ce sera probablement notre dernière chance de récupérer cet héritage fantastique de l'humanité, susceptible de fermer la bouche de l'imbécile assis à l'arrière pour toute la durée du prochain millennium. ROMÉO (toujours pas sûr que tout ceci est sérieux) Et à aucun moment ça vous choque qu'ils transportent un squelette dans une citerne ? SÉQUENCE 27 - SOMMET - EXT. NUIT Vue sur le camion qui s'écarte de la route et se gare sur une aire sablonneuse formant un plateau. La caméra s'élève en s'éloignant pour nous donner un aperçu de la géographie des lieux. Au bout de la falaise, il y a une petite falaise d'une dizaine de mètre, en bas de laquelle se trouve un autre plateau, beaucoup plus étroit. Le chauffeur du camion coupe ses feux. La voiture conduite par Suzanne débouche, en roulant au pas et les phares éteints, du virage qui lui découvre le plateau. Suzanne gare la voiture juste en bordure de la route, à environ cinquante mètres du camion. Roméo observe à l'aide de jumelles à infrarouge. Le chauffeur du camion descend du véhicule. Il s'en éloigne d'un pas pressé, et finit par disparaître derrière des rochers, caché par la courbe que fait la route. ROMÉO (étonné) Où est-ce qu'il va, comme ça ? Frank, lui, a toujours yeux fixés sur le camion, qu'il essaie de distinguer dans la pénombre. Peu à peu, un air d'incrédulité s'affiche sur son visage. FRANK Luther... ROMÉO C'est pas normal que ce type parte comme ça... pas s'il donne de l'importance à ce truc qu'il transporte... FRANK Le camion ! Luther, regardez le camion ! Roméo lève un instant le nez de ses jumelles pour interroger Frank du regard. FRANK (criant) Regardez le camion ! Roméo s'exécute. Après un instant : ROMÉO Il bouge ! Bordel de merde, le camion bouge vers le ravin. SUZANNE (horrifiée) Cet imbécile n'a pas serré son frein à main ?! FRANK Vous ne comprenez pas ? Ils ne sont pas venu s'approprier Adam. Ils sont venu le soustraire aux autres ! Le détruire ! ROMÉO C'est pour ça qu'ils l'ont mis dans une citerne ! Roméo ouvre soudainement sa portière et se met à courir en direction du camion, bientôt suivi par Frank puis par Suzanne. Ils courent aussi vite qu'ils le peuvent pour tenter d'empêcher la chute du camion citerne dans le ravin. Frank, dans sa course, aperçoit la roue avant du camion qui est désormais dans les airs. Ce n'est plus qu'une question de seconde. Il n'y a plus rien à faire. Il arrête sa course. FRANK Luther ! C'est trop tard ! Suzanne rattrape Frank et s'arrête à ses cotés. FRANK (criant) Luther ! Demi-tour, ça va exploser ! Mais Roméo semble ne pas vouloir s'arrêter... FRANK (hurlant) LUTHER !!! Roméo commence à ralentir sa course. Il observe le camion, dont près d'une moitié est maintenant suspendue dans les airs. Il commence à basculer... Roméo s'arrête. Puis commence à courir en sens inverse aussi vite qu'il le peut. Frank et Suzanne cherchent aussi à s'éloigner. Un instant plus tard, le camion bascule, et s'écrase en contrebas de la falaise. Une énorme flamme rougeoyante s'élève dans les airs. Tandis que Frank et Suzanne s'accroupissent, les mains sur les oreilles et les cheveux agités par le vent violent de l'explosion, Roméo, bien plus près de l'explosion, est quand à lui jeté à terre par le souffle. L'explosion détache la partie motrice du camion de la remorque citerne. Elle est projetée vers l'extérieure et est précipité dans le ravin qui fait suite à ce second plateau. Elle roule vers le bas en se fracassant contre des arbres arc-boutés à la montagne qui se couchent sur son passage. Les restes de la citerne finissent de se désintégrer dans une seconde explosion qui provoque un éboulement d'une partie de la falaise du premier plateau. Quelques gros blocs de pierre roulent juste qu'à ce qui reste du métal tordu dans les flammes d'une chaleur inouïe. Alors que le vent chaud se calme enfin, Frank peut se déplier quelque peu et se retourner vers l'arrière. Il cherche Roméo du regard. FRANK Roméo ! Il se redresse autant qu'il le peu, et marche, baissé, en direction de l'enfer de chaleur. Il finit par trouver sur son chemin Roméo, allongé sur le sol de sable, inconscient. FRANK Roméo... Frank attrape Roméo sous les bras et le retourne, l'allongeant en partie sur lui. Ses mains se déplacent jusqu'à son cou, et ses doigts se positionnent pour prendre son pouls. Rassuré, sa main se porte sur le visage de Roméo où il essuie du sang coulant de sa pommette blessée. Il enlève au passage une couche de suie noire, et laisse une marque blanche sur le visage du jeune homme. FRANK Roméo, qu'est-ce qui vous a pris ? SÉQUENCE 28 - HÔPITAL DE BOISE, IDAHO - INT. JOUR Roméo a un bandage sur la tête et un pansement sur la pommette. Il est assis au pied du lit, la télécommande à la main, passant d'une chaîne à l'autre, nerveusement. Visiblement, il ne tient pas en place. Entrent Frank et Suzanne, le sourire aux lèvres. FRANK Luther ! Le médecin nous a dit que vous alliez bien. ROMÉO Oui... cette nuit à l'hôpital n'était même pas nécessaire, j'ai juste été un peu sonné. FRANK Mieux vaut un excès de précautions... ROMÉO (coupant Frank) Oui, oui, je comprends... SUZANNE Nous sommes retournés sur les lieux... ROMÉO Et ? SUZANNE Il ne reste plus rien. La citerne était à demi pleine de carburant de fusée. Les flammes étaient si vives et si puissantes qu'elles ont fait fondre le métal de la citerne. Elles ont tout réduit en cendres. Frank sort quelque chose de sa poche et le donne à Roméo. C'est un morceau de verre brut. FRANK Voici à quoi ressemblait le sable à peine vingt mètres plus loin que l'endroit où vous vous trouviez. Roméo hausse un sourcil impressionné. Puis, après un instant : ROMÉO En conclusion, rien, aucune preuve ne permet de corroborer la théorie de Suzanne et du Groupe. SUZANNE Et ce que nous avons vu hier soir, ce n'était pas une preuve ? L'Eglise avait tellement peur des vérités contenues dans ces os. Elle avait tellement peur d'être dépassée par d'autres mouvements religieux... ROMÉO Tout cela n'aurait pu être qu'une mise en scène destinée à nous convaincre de l'existence d'Adam. En l'état actuel des choses, toute cette affaire n'aura été que du vent... Agacée, Suzanne se retourne vers la porte, et s'apprête à sortir de la chambre. Juste avant de sortir, elle lance par dessus son épaule : SUZANNE Vous sembliez bien plus rongé par le doute à l'instant où vous courriez éperdument vers ce camion. Cet instant où vous sembliez désirer si ardemment voir une preuve. Suzanne s'en va, laissant Roméo contempler pensivement l'embrasure vide de la porte. FRANK (rompant le silence) Vous pouvez vous changer, Roméo, je vous ramène à Seattle. Pendant une seconde, Roméo semble ne pas avoir entendu, puis il tourne son visage vers Frank. ROMÉO Bien sûr, bien sûr... Roméo ramasse ses vêtements et se dirige vers un paravent en silence. FRANK Vous avez raison, Roméo, il n'y a aucune preuve dans cette affaire. Aucune réponse. Frank fronce les sourcils, légèrement inquiet. FRANK (poursuivant) Il est vrai que tout cela était peut-être une mise en scène. Elle pourrait même avoir été orchestrée par nos ennemis au sein du Groupe. Toujours le silence. Puis, finalement, Roméo ressort de derrière le paravent, l'air préoccupé. ROMÉO Suzanne a raison aussi. J'étais un autre quand je courrais vers cette citerne. Frank est à l'écoute, il lui montre son attention. ROMÉO (continuant) Et je ne sais pas... je ne sais pas qui j'étais. Je ne sais pas ce qui me poussait. FRANK Luther... En chacun de nous, il y a deux pôles. Complémentaires et ennemis, associés et opposés. Il y a notre cerveau, le siège de l'intelligence, de nos pensées, de notre raisonnement. C'est la source de nos actions raisonnables et réfléchies. Et il y a le cœur. Et cette vérité singulière : au sein du cœur de tous les hommes, mêmes les plus cartésiens, il y a l'envie de savoir, de découvrir, et de croire à l'incroyable. Roméo reste une fois encore silencieux un instant. ROMÉO Peut-être que c'est vrai. Peut-être que quand mon cerveau s'arrête, mon cœur prend le relais. Il est possible que batte en moi un cœur prêt à être vitrifié pour découvrir des secrets que ma pensée ne peut admettre. Roméo attrape un sac avec quelques affaires posé prêt du lit, le referme, et suit Frank vers la sortie. ROMÉO (s'arrêtant soudain) Attendez ! Il fait demi-tour et se dirige vers son lit d'hôpital. Il y a attrape le morceau de sable vitrifié posé sur le matelas. Il le met dans sa poche. ROMEO (souriant) Un souvenir pour mettre du plomb dans la tête à mon cœur. La caméra pivote pour suivre les deux hommes quittant la chambre et s'éloignant. ROMÉO (les yeux écarquillés) J'espère que notre avion part bientôt. Ce soir à Seattle, il y a un super film avec Traci Lords sur le câble. FRANK Qui ça ? SÉQUENCE 29 - MINISTÈRE DE LA CULTURE, ROME, ITALIE - INT. JOUR Cheryl Andrews est assise au bout d'une longue table de bois massif autour de laquelle sont assis huit hommes en habits religieux, des cardinaux. CHERYL Bref, pour résumer en une phrase, l'opération a été un total succès. Nous avons pu récupérer Adam, le soustraire à Millennium et aux autres, et distraire l'attention du Groupe suffisamment longtemps pour pouvoir le détruire. Elle referme un dossier ouvert devant elle. CHERYL Vos craintes ne deviendront pas réalité. Vous pouvez être rassurés, Adam ne servira pas à l'établissement d'une branche vénérant les anges et leur hiérarchie au sein de l'Eglise. La place de Dieu ne sera pas usurpée. Cheryl se lève. CHERYL Puisque je constate vous avoir donné entière satisfaction dans la manière dont j'ai mené pour vous cette affaire, j'attends de vous que vous respectiez vos engagements. Vous avez mes coordonnées bancaires. J'attends le virement dans les plus brefs délais. Je figurais déjà parmi les ennemis de Millennium, je suis maintenant une de leurs cibles prioritaires. CARDINAL #1 Vous pouvez comptez sur nous. Nous vous remercions. Le Cardinal #1 se lève, bientôt suivi des sept autres. CARDINAL #1 Messieurs, à la semaine prochaine. SÉQUENCE 30 - PARKING SOUTERRAIN DU MINISTÈRE - INT. JOUR Cheryl Andrews débouche d'un ascenseur, et se dirige vers sa voiture en fouillant sa poche à la recherche de ses clefs. UN HOMME Andrews ! Elle se retourne vivement, et scrute en vain la pénombre. Enfin, une ombre en imperméable se révèle derrière un pilier. L'homme fait un pas vers elle, et un néon blafard vient éclairer une moitié de son visage. Il s'agit de BLAYLOCK, le tueur habituel de Millennium. CHERYL (choquée) Denis !... BLAYLOCK Cheryl, je suis heureux de vous revoir. Même si j'aurais aimé que les circonstances... enfin, vous voyez ce que je veux dire, j'imagine. Cheryl fait un pas en arrière, la peur inscrite sur son visage. BLAYLOCK C'est inutile, et vous le savez... ne mourrez pas en lâche. Cheryl Andrews se retourne et se met à courir aussi vite qu'elle le peut dans le parking, en quête d'une sortie, d'une échappatoire. Un crissement de pneu résonne. Cheryl se retourne juste à temps pour apercevoir la voiture qui lui fonce dessus à pleine vitesse. Elle cogne contre le capot. Son corps désarticulé virevolte un instant dans les airs avant de rebondir sur le toit du véhicule. Elle s'écrase sur le sol, comme un pantin. Blaylock s'approche d'elle en marchant lentement, calmement. Cheryl est allongée au milieu d'une marre de sang. Ses yeux sont grands ouverts, figés dans une expression de douleur. Blaylock s'accroupit et attrape le poignet de Cheryl. Il positionne son pouce pour chercher un pouls. Il n'y en a pas. Il lâche la main plus qu'il ne la repose, et elle retombe vers le sol paume en l'air. La caméra s'approche lentement du symbole mérovingien de la famille qui se trouve sur le poignet d'Andrews... FONDU SUR... SÉQUENCE 31 - MAISON JAUNE, SALON - INT. JOUR ... L'Ouroboros de l'ordinateur de Frank Black. « Bonjour Frank. Il reste 465 jours. » Frank accède au système de navigation du Groupe. Il entame une recherche sur les membres, mu par une intuition. L'écran affiche : « Recherche Membre » Frank tape : « Peter Watts » Un instant d'attente. « Désolé. Votre recherche n'a abouti à aucun résultat. Nouvelle recherche ? » Frank regarde l'écran en silence. Jordan passe en courant derrière lui. JORDAN Papa, je vais jouer dans le jardin ! Frank se retourne et la suit du regard. Elle ouvre la porte, s'arrête, et se retourner vers son père. JORDAN (poursuivant) Papa... qu'est-ce que tu as fait quand on était dans l'Idaho ? Je veux dire, quand je dormais et que tu es parti. Frank reste silencieux. JORDAN (continuant) Je me suis réveillée, et t'étais pas là. J'ai ouvert la porte et un policier m'a dit que tu avais eu du travail, et que tu allais bientôt revenir. Mais il faisait jour quand tu es revenu. Frank ne dit toujours rien. JORDAN (continuant) Il y avait un méchant à arrêter? FRANK Oui... oui, il y avait un méchant à arrêter. Il y en a toujours un. Jordan fait un sourire. JORDAN J'espère que tu l'a eu ! Et elle sort jouer, sous le regard de Frank. Frank se lève et observe un instant Jordan jouant dehors par la fenêtre. Il retourne vers la table où son trouve son ordinateur portable. A coté, est posé un dossier. Des papiers d'avocats. On distingue quelques mots : « Jordan » « Convocation au tribunal ». Il referme le dossier et monte à l'étage... SÉQUENCE 32 - CHAMBRE DE JORDAN - INT. JOUR Frank entre dans la chambre de sa fille. Il aperçoit un dessin sur le lit et s'en approche... C'est un ange, maladroitement tracé. Frank, très ému, s'assoit sur le lit d'enfant. Il passe sa main sur son visage. SÉQUENCE 33 - SALON - INT. JOUR En bas, des perturbations s'affichent sur l'écran de Frank. L'écran devient noir, puis une fenêtre de message s'affiche. « Système pénétré. Données personnelles téléchargées. » FONDU AU NOIR. FIN